Censure

Accès à Internet en Guinée : un vrai parcours du combattant (Par Mamadou Safayiou Diallo)

L’Agence Ecofin – La Worldwide Broadband Speed League a publié récemment son rapport 2018 sur la vitesse de téléchargement par pays dans le monde. Ce rapport sur la qualité du débit Internet, compare la vitesse de téléchargement via des tests réalisés par plusieurs institutions et compilés par l’entreprise britannique Câble. A l’issue de ce classement, Guinée occupe la 45ème place sur 46 pays africains classés et la 196ème place mondiale sur 200 pays. Si le gouvernement rejette les conclusions de cette étude et critique ses méthodes, nous, les utilisateurs sont unanimes : le faible débit d’Internet en Guinée freine le développement économique du pays (rfi).

Selon ce rapport, la vitesse de téléchargement se situe 0,65 Mbps en Guinée contre 0,95 Mbps au Mali, 1,27 Mbps au Togo, 1,40 Mbps au Sénégal, 1,45 Mbps en Gambie, 1,61 Mbps en Sierra Leone & Liberia, 1,70 Mbps en Côte d’Ivoire, 1,86 Mbps au Nigéria et 2 ,88 Mbps au Ghana  pour ne citer que ceux-là.

A la lecture de ces chiffres, on se rend bien compte notre vitesse de téléchargement ne représente rien devant nos pays voisins. A date, on y dénombre près d’un million d’internautes dont près 970 000 utilisateurs du réseau social Facebook sur une population totale de près de 13 millions d’habitants, avec un taux de pénétration Internet de 27% (ARPT).

Ces chiffres contrastent largement avec ceux du Sénégal (15 millions d’habitants) qui compte plus de 9 millions d’utilisateurs de l’Internet, soit un taux de pénétration de 62,9% (ARTP, mai 2018).

Des chiffres bien loin également de ceux de la Côte d’Ivoire (23  millions d’habitants) avec presque 5 230 000 utilisateurs d’Internet (soit, 21, 96% de la population totale) dont 3 100 000 utilisateurs Facebook et un taux de pénétration Internet qui se situe entre 60 et 70% (ARTCI, mars 2018).

Toutefois, il convient de rappeler qu’en 1997, un an avant la Côte d’Ivoire, la Guinée a accueilli en collaboration avec les Etats-Unis les premières installations pour construire son réseau Internet à travers le projet «Initiative Leland» avec un débit de 128kb/s. La SOTELGUI a été désigné pour la circonstance pour assurer la gestion du nœud national.

En 21 ans et, malgré le recours aux satellites avec le VSAT, la connexion Internet que nous connaissons de nos jours n’est pas du tout du haut débit car, elles sont à caractères monotone, passive et à un prix de prestation très cher pour les consommateurs. Malgré les effets d’annonces véhiculés par nos autorités politiques depuis 2010, la Guinée, n’a toujours pas raccordée à la fibre optique, offrant une meilleure qualité de connexion avec la technologie ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line, qui utilise les lignes téléphoniques).

Et, pourtant, avec une simple volonté politique, le Madagascar, avec sa vitesse d’Internet haut débit, les malgaches peuvent télécharger de nos jours, un film HD d’un volume de 5Go en 27 minutes et 27 secondes.  Pendant ce temps en Guinée, de Conakry, la capitale, à N’Zérékoré à l’intérieur du pays, l’on passe en longueur de journée à réactualiser des pages Internet dans des cybercafés pour tenter d’accélérer la connexion qui rame avec un débit démesurément faible.

Si les opérateurs GSM ont permis la connexion mobile à travers les technologies 3G, et depuis peu 3G+, il reste encore du chemin à faire car, il faut être très riche pour souscrire à un abonnement Internet mobile fiable et stable en Guinée (un minimum de € 7 à  € 30 est requis pour une connexion mensuelle illimitée). De plus, les pass mensuels proposés par ces opérateurs de la téléphonie n’atteignent point la fin du mois. Avec une population pauvre (55% des guinéens vivent avec moins de 2 dollars US par jour), et des revenus aussi bas (le salaire mensuel moyen est de GNF 1 500 000 soit EUR 150 pour un fonctionnaire de l’Etat), même en renonçant à certaines dépenses prioritaires, la majeur partie de la population guinéenne, ne peut se permettre d’acheter un pass Internet pour songer de naviguer. Cette situation d’ailleurs conduirait beaucoup de guinéens à batailler dur pour obtenir un forfait Internet jour & nuit avec un coût de parfois avoisinant le prix d’un kilo gramme de riz pour pourvoir surfer pendant quelques temps sans pour autant prétendre accéder  d’opportunité à sa messagerie.

En dépit de ce constat, l’Internet est encore un luxe pour une frange importante de la population. Un luxe totalement inconnu à certains endroits du pays où le mot cyber-café peut être pris pour  un endroit où l’on prend du café.

De plus, il existe une sorte de dualisme dans ce secteur car, dans certaines régions du pays, la connexion serait tellement lente que l’on pourrait prendre un plat de riz entre le lancement d’une page et l’apparition du résultat escompté. Cet «enclavement numérique» du pays freine le développement de business autour de l’outil Internet et les opportunités qu’il peut offrir.

Comparativement à la situation de 2013-14, 1Go de connexion Internet valable 24 heures tournait en moyenne autour de GNF 5 400, aujourd’hui avec GNF 15 000 l’on a droit qu’à 600 Mo valable 7 jours sans que cela ne soit effectif dans la réalité. Pour avoir 1.5 Go de connexion, l’on est obligé de dépenser aujourd’hui GNF plus de 30 000 alors qu’avant, 2Go coûtaient GNF 9 000. Évaluez combien de fois c’est devenu plus cher.

De plus, bon nombre de guinéens ne se retrouverait pas avec la connexion Internet d’un des opérateurs GSM implanté en Guinée car, juste après avoir souscrit à un forfait Internet à connotation jour & nuit par exemple, à peine vous l’avez utilisé qu’on vous envoie un message d’alerte vous invitant à souscrire à nouveau à un autre forfait si vous voulez continuez à surfer sur Internet. Et, si par hasard, vous estimez que pour ne pas consommer rapidement votre pass, la solution serait de vous déconnecter juste après s’être connecté, quelques minutes plus tard, on vous signale que votre forfait est épuisé ou que d’ailleurs vos unités sont  finies.

Malgré les plaintes formulées par les consommateurs, cet opérateur ne daigne point répondre aux plaignants, encore moins satisfaire leur demande ou améliorer la qualité de son service. Beaucoup des consommateurs se demandent, pourquoi un tel manque de considération vis-à-vis d’eux ?

Chers consommateurs, tenez-vous bien, les millions des clients qu’on annonce en longueur de journée ne rapporteraient qu’en moyenne 25% du chiffre d’affaires de ce mastodonte de la téléphonie mobile. Ce qui signifierait que les 75¨% proviendrait des Corporates et /ou des grandes entreprises installées dans notre pays. Toutefois, nous suggérons en tant que citoyen guinéen fidèle consommateur des produits téléphoniques, soucieux de l’avenir de ce pays, que cette situation cesse.

L’Union pour la Défense des Consommateurs de Guinée (UDCG), doit se saisir de toutes les violations et/ou tentatives de violation des droits des consommateurs et apporter des solutions aux problèmes dont souffre ce peuple car, elle est de loin, une priorité pour les gouvernants.

Nous ne saurons pas terminer cette analyse sans pour autant prétendre apporter quelques pistes de solution bien que n’étant pas spécialiste du domaine. Toutefois, nous pensons que les mesures suivantes doivent être prise pour le bien être des guinéens :

i) mettre en place d’infrastructures nécessaires à l’accès à large bande de capacité; ii) implémenter une plateforme de concertation entre les différents acteurs ; iii) améliorer la qualité de la bande passante nationale ; iv) mener une large campagne d’information sur la stratégie nationale au niveau des NTIC puis, procéder à la formation du personnel qualifié dans ce domaine; iv) sensibiliser la haute autorité de la nécessité pour la Guinée d’accéder au backbone international…

Mamadou Safayiou Diallo

Economiste, Enseignant-Chercheur

Membre du Centre de Recherche en

Economie du Développement (CRED)

 

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