Alors que nous sommes maintenant à un mois et quelques jours de la relance des cours par le ministère en charge de l’Education nationale et de l’Alphabétisation (MENA), les cours restent bancals, montrant de nouvelles réalités d’une localité à une autre. Tel est l’objet de ce constat que nous avons fait entre Matoto, la plus grande commune de Conakry et Kaloum, qui en est le centre-ville.
Cela fait maintenant plusieurs semaines que le Syndicat libre des enseignants chercheurs de Guinée (SLECG), malgré le gel des salaires, tient courageusement tête au gouvernement, qui brandit une impossibilité d’augmentation des salaires. Cependant, les écoliers continuent à suivre les cours en aparté.
Il est 12h, ce vendredi, à Kaloum, et habituellement, les rues sont bondées de jeunes élèves en tenue multi ou unicolores, rejoignant leurs domiciles. Mais aujourd’hui, nous en remarquons moins, et surtout en petits groupes de deux ou trois personnes.
Un collégien évoluant au Collège 2 Boulbinet, nous confie : « Nous avons commencé les cours, mais pas aussi bien que d’habitude ».
Dans cette commune, impossible d’avoir un interlocuteur du système éducatif pour expliquer cette morosité, tous se cachant derrière l’argument de l’ordre de mission. La réalité, cependant, est que dans ce principal centre économique de la capitale guinéenne, les écoles semblent encore dormir, même si en quelques endroits, notamment les écoles privées, les cours ont repris. Dans les établissements publics, les cours restent timides. L’école primaire Tombo 2 est d’ailleurs en pleine rénovation.
La comparaison est flagrante, entre les deux poumons d’un même corps, que sont Matoto et Kaloum.
Cependant à Matoto, même si la reprise a été difficile, puisqu’émaillées de violences contre certaines écoles, des établissements privés et étatiques semblent renaître de leurs cendres, tandis qu’enseignants et élèves s’en réjouissent.
Tel est le cas de Moussa 2 Konaté, censeur du groupe scolaire privé Jean Mermoz, qui pense que c’est aux parents de revenir à de meilleurs sentiments : « C’est parce qu’à Matoto, les parents d’élèves ont compris, avec la sensibilisation du camarade Salif Camara de la FSPE, qui est de Matoto, et celui du camarade Michel Pépé Balamou, donc ce sont ces sensibilisations qui ont porté fruit. Parce que nous savons que cette grève concerne exclusivement les enseignants du secteur public. Les écoles privées en réalité ne sont pas intéressées par cette grève. Beaucoup d’enseignants gagnent leur compte en évoluant dans le privé. Lorsque les parents ne comprennent pas, et refusent d’amener les enfants à l’école, c’est hypothéquer l’avenir de leurs enfants », dit cet encadreur.
Plus loin, il ajoute que : « La grève est plus suivie à Kaloum, je pense que c’est parce qu’il y a lieu de sensibiliser à ce niveau aussi les parents d’élèves. A leur place, je ne vais pas hypothéquer l’avenir de mon enfant par rapport à une revendication syndicale. Je pense qu’il y a lieu de sensibiliser les parents et élèves pour qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments ».
A l’école Léopold Sedar Senghor de Matoto, Balla Diarra, le proviseur, nous a indiqué que sur « les 23 professeurs titulaires programmés, 19 étaient présents et les autres ont été remplacés par les professeurs suppléants ».
Après lui, le censeur Mamady Kanko, du même lycée, nous a fait le point en disant que : « Depuis le 3 octobre, l’ouverture était effective ; du 3 au 10, le taux de fréquentation était faible, du 8 au 15, nous étions autour de 30 à 40% du taux de fréquentation des élèves et des professeurs. Mais à partir du 15 jusqu’à maintenant là, nous sommes environ de 95 à 97% de taux de fréquentation, tant au niveau des élèves que ceux des enseignants en charge des classes. »
A la question de savoir, pourquoi au début il n’y avait pas d’affluence, il explique : « Quand l’ouverture se fait en milieu de semaine, comme cette année, les élèves préfèrent attendre jusqu’au lundi prochain, et après cela, il y a eu une hésitation. Nous avons aussi fait la sensibilisation pour que les enfants reprennent le chemin de l’école ».
Elève en terminale Sciences expérimentales, au lycée Léopold Sédar Senghor, Ansoumane Camara nous explique les conditions de travail et pourquoi son retour à l’école, en ces termes : « Nous venons, parce que nous en avons la volonté. Cette année, nous passons le bac et c’est notre avenir qui est en jeu. Le SLECG est en grève, mais nous ne sentons pas cela, vu que nous avons nos professeurs qui viennent et nous suivons les cours régulièrement. Seulement deux de nos professeur qui ont été changés, et c’est nous qui avons demandé, celui de français et de philosophie, vu que les deux étaient devenus trop vieux ».
Ce qui reste clair, c’est que les cours resteront encore dans un état comateux, quand on sait qu’à l’intérieur du pays, rien ne fonctionne.
Reportage réalisé par Abdou Lory Sylla pour Guinee7.com