Il paraît que la Guinée est en émoi. Et pour cause, un membre du bataillon des troupes aéroportées communément appelées bérets rouges, a été lynché puis laissé pour mort par une foule en furie dans la commune de Ratoma, haute banlieue de Conakry, ce 16 novembre 2018.
Face à une telle dérive, le réflexe habituel est d’engager la responsabilité individuelle des personnes impliquées de près ou de loin dans le drame. On rattache immédiatement cette pratique à la déliquescence morale et l’incivisme de la population. Ici et là, les condamnations morales les plus incisives sont immédiatement suivies d’un appel à des sanctions exemplaires.
À l’analyse, nous réagissons presque toujours comme si la justice populaire était un simple accident, une anémie passagère ou conjoncturelle du corps social dont on aura vite fait de l’éliminer en sanctionnant autant que possible les principaux auteurs directement impliqués.
Pour ma part, percevoir exclusivement cette (in)justice sous l’angle d’un problème d’éthique et de responsabilité individuelle, c’est assurément s’empêcher d’en déceler les causes profondes et systémiques. C’est occulter la cause racinaire du problème, c’est-à-dire les défaillances/insuffisances du système judiciaire (démission de l’État, corruption, formation inadéquate ou inexistante du corps judiciaire, etc.) et, partant, la crise de confiance populaire qui lui est consécutive. En somme, nous réduisons un problème systémique à n’être qu’un phénomène conjoncturel.
Les carences criardes de l’appareil judiciaire est ce qui, d’un point de vue systémique, rend possible la justice populaire. Elle prend essentiellement naissance sur les chemins tortueux de l’accès à une justice efficiente. Il y a une relation de cause à effet. Combien des fois, a-t-on entendu dire après l’arrestation d’un présumé bandit : « Finissons avec lui ici et maintenant, car, si on le laisse entre les mains de la police, il ressortira deux jours après, et reviendra se venger ».
Il faut sortir de la procrastination des solutions ou des pseudos-solutions. En ce sens, redorer le blason du système judiciaire, c’est travailler à la restauration de la confiance du public envers ses institutions. Donnons les moyens à notre système judiciaire (meilleure formation des policiers et magistrats, amélioration de leurs conditions de travail, etc.) de faire son travail et exigeons beaucoup de lui en retour.
Une pensée pour toutes ces personnes (innocentes) victimes de la culpabilité de notre système judiciaire et de l’ignominie humaine.