L’annonce de la nouvelle avait fait l’effet d’une petite bombe à Conakry quand, au mois de juin dernier, les Guinéens apprenaient par voie de presse que le général Sékouba Konaté, ancien président et membre du Conseil national de la démocratie et du développement (CNDD) avait déposé à la Cour pénale internationale (CPI) une liste des commanditaires du massacre du stade de Conakry, le 28 septembre 2009. Etait-ce une tentative de diversion ou le Général tâtait le terrain pour connaître la réaction des uns et des autres sur l’opportunité de sa démarche, quand on sait que celui-là même qui était numéro deux de la junte au moment des faits semble avoir tourné dos à la Justice de son pays au détriment de la CPI ?
Toujours est il que, c’est le jeudi 17 juillet 2014, selon nos sources, que le patron de la Force Africaine en Attente (FAA), en compagnie de sa tête pensante Tibou Kamara, ancien ministre secrétaire général à la Présidence, a été reçu par Fatou Bensouda procureur de la Cour Pénale Internationale, à la Haye aux Pays-Bas, pour finalement déposer sa fameuse liste des officiers militaires et des civils guinéens impliqués dans le massacré du 28 septembre 2009 au stade du même nom. Cette démarche, qui frise le mépris envers la Justice nationale, amène l’opinion à s’interroger non seulement sur les réelles motivations d’un des hommes forts de la junte militaire au moment des faits, mais surtout sur la probable responsabilité du ministre de la défense au moment des faits dans ces massacres qui ont fait plus de 157 morts et 109 femmes violées à ciel ouvert.
Mamady Kabah, président de la RADDHO-Guinée, (Rencontre africaine des droits de l’Homme) n’avait pas manqué de souligner que Sékouba Konaté « est quand même l’une des personnalités les mieux indiquées pour savoir quel a été le rôle des officiers militaires dans la préparation et l’exécution des événements du 28 septembre. », avant d’exprimer sa crainte d’un règlement de compte dans la démarche d’El Tigre : « Je pense également qu’il y a des risques que des règlements de compte se fassent. Sekouba Konaté était le ministre de la Défense du capitaine Dadis Camara et donc nous savons comment les choses se sont terminées. »
Si le dépôt de cette liste de personnalités militaires et civiles impliquées dans ces massacres constitue une contribution de taille, en ce sens que l’information vient d’une des pièces maîtresses de la junte, il faut avouer que la bonne foi du Général ne semble pas le disculper dans cette affaire. Car au moment des faits il était ministre de la défense, et l’argument selon lequel il était absent de Conakry ne tient pas non plus la route. Aussi, s’il y a eu des personnalités militaires et civiles dans l’entourage de Capitaine Moussa Dadis Camara qui ont joué un rôle dans la planification de ces évènements, il y a fort à parier qu’à cause de leurs hautes responsabilités dans le CNDD, les noms de Sékouba Konaté ministre de la défense et Tibou Kamara, porte parole à la fois de la Présidence et de la Défense, devraient en principe figurer en première place sur cette liste. D’où cette lancinante de question des observateurs, Pourquoi c’est maintenant que le général Sékouba Konaté s’agite ?
Pour Me Cheick Sako, ministre d’Etat guinéen en chargé de la Justice, s’exprimant sur le dépôt de cette liste à la CPI par le général Sékouba Konaté que « S’il a effectivement déposé une liste de noms à la CPI, je pense que le greffe et le procureur de la Cour vont la transmettre aux autorités judiciaires guinéennes, car nous collaborons évidemment avec la Cour sur ce dossier. Le pôle des trois juges d’instruction qui travaille actuellement sur cette affaire en Guinée fera alors son travail. Si cette liste existe, les personnes qui y sont mentionnées seront alors convoquées et auditionnées… » Car d’après le Garde des Sceaux, « Plus de 400 victimes ont déjà été auditionnées. Parmi les accusés, beaucoup ont été entendu et huit, dont des hauts gradés, ont été inculpés. »
Général Sékou Konaté, Tibou Kamara & Cie scient la branche sur laquelle ils sont assis ?
Les agissements et agitations de Sékouba Konaté et de Tibou Kamara autour du massacre du 28 septembre 2009 risquent fort de se retourner contre eux. En ignorant que la Guinée, après avoir ratifié la convention de la CPI, à travers le gouvernement légitime, reste et demeure l’interlocuteur privilégié dans la manifestation de la vérité dans cette affaire. Ceci étant, si plus de 400 victimes et bien des accusées supposées impliquées dans le massacre du stade du 28 septembre 2009 ont été auditionnées par la Justice guinéenne, il faut être amnésique pour ne pas comprendre que les personnalités militaires et civiles figurant sur la fameuse liste de Sékouba Konaté n’échapperont pas à cette épreuve. Dans ce sens, faut-il le rappeler, s’il y a des personnalités miliaires et civiles qui étaient au cœur des secrets du CNDD, ce sont bien Sékouba Konaté et Tibou Kamara. Ce dernier fut d’ailleurs nommé au fictif poste de porte-parole à Présidence de république et à la défense par le capitaine Moussa Dadis Camara, avant d’être catapulté ministre secrétaire général à la présidence de la république par le Généra Sékouba Konaté, après la tentative d’assassinat dont a été victime l’enfant de Koulé.
L’on est bien en mesure de se demander, qu’entre les deux ex-chefs de la junte, et surtout dans la planification du massacre du 28 septembre 2009, quels ont été rôles joués par les deux amis? Seule la Justice pourra répondre à cette question.
Le dépôt de cette fameuse liste de personnalités militaires et civiles à la CPI est une aubaine pour la Guinée, d’autant plus que la Justice guinéenne, au mépris de laquelle les auteurs de la démarches agissent, ne va plus tarder à écrire à la CPI afin de demander de lui transmettre cette liste pour auditionner ces autres protagonistes du massacre du stade du 28 septembre. Au nom de la manifestation de la vérité.
SACKO Mamadou