C’est dans la salle Malik Condé de l’université Kofi Annan de Conakry, ce mardi 23 avril, que face aux étudiants, l’écrivain Oumar Diakhaby a présenté son œuvre intitulée « L’ethnicité en Guinée-Conakry, au prisme de l’organisation sociopolitique », paru aux éditions Harmatan Guinée.
Président de l’Association franco-guinéenne en Bourgogne et doctorant en science politique, Oumar Diakhaby, a, en compagnie des responsables des principaux partis du pays, débattu de cette question, qu’il qualifie « d’épineuse », à travers des explications sociologiques et des témoignages.
A la fin de la conférence, il a expliqué le pourquoi en disant que : « Je viens de faire la présentation de mon livre, qui parle de l’ethnicité et de la formation de l’Etat-Nation en Guinée. Alors dans cet ouvrage-là, je traite d’une question épineuse et centrale qui concerne tous les Guinéens, c’est-à-dire la question de la division ethnique, et j’essaye de procéder à des propositions de solutions d’une sortie de cette forme d’organisation sociale, pour parvenir à ce qu’on appelle un Etat-Nation ».
Dans cet ouvrage subdivisé en trois parties, plusieurs termes ont été aussi utilisés par l’auteur, qui les a expliqués en répondant à nos questions.
Concrètement, c’est quoi un Etat-Nation ?
Un Etat-Nation est tout simplement une société dans laquelle les gens vivent de façon égalitaire, et non en tant qu’individus ethniques, parce que le citoyen est tout le contraire de l’individu ethnique. Une société dans laquelle les gens ne se perçoivent pas comme étant des individus qui ont des cultures différentes de celles des autres concitoyens, parce que quand on se construit et qu’on se conçoit comme un membre spécifique d’un groupe culturel, on se singularise et se distingue par rapport à son concitoyen, qui également, se réclame d’un autre groupe ethnique. Et une société construite sur cette base, n’a absolument aucune chance de parvenir à ce qu’on appelle une Nation, et pourtant le seul salut de notre République aujourd’hui se trouve dans la formation de cette conscience collective. Donc, c’est une thématique que j’ai trouvée assez préoccupante pour notre pays, afin d’éviter qu’il y ait un affrontement inter-ethnique dans notre pays, comme c’est arrivé au Rwanda. Et quand on sait aujourd’hui combien de fois les groupes ethniques sont divisés, alors je me suis dit mieux vaut prévenir que guérir, parce qu’à force de s’approcher de feu, ont fini par se brûler ; et donc pour éviter cela, il faut ouvrir le débat au niveau national, il faut en parler dans les différents médias. Donc, c’est un débat qui se fait dans un cadre universitaire, assez objectif à travers les représentants des partis politiques, qui ont su avoir une ligne de conduite respectable. J’invite toutes les couches sociales à s’intéresser à ce débat.
« La Guinée n’est pas une famille, mais elle peut le devenir » ; pourquoi dites-vous cela ?
« La Guinée n’est pas une famille, mais elle peut le devenir », parce que sur un plan systémique, on n’est tout simplement pas une famille. Lorsque dans un pays, les militaires peuvent tirer sur les citoyens et lorsque ces citoyens eux-mêmes peuvent tuer leur militaire ou leur policier, alors là, je me dis que la famille, même si elle existait, il y a eu un divorce. On a sonné le glas de cette union-là. Donc, je ne désespère pas pour autant. J’ai dit qu’elle peut le devenir, dans ce sens où à travers un contrat social, à travers une union entre les différentes communautés, on peut aller de l’avant. On peut se constituer une certaine forme de supposée famille, qui en tout cas ferait qu’il y ait un seul père de famille, qui prendrait tous les citoyens comme étant ses enfants. Il n’y aurait aucune différence, où l’égalité des chances primerait dans la sélection des postes administratifs. Vous savez que malheureusement en Guinée, ce n’est pas comme cela que ça se passe. Il y a une forme de discrimination politique, qui a prévalu depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. Pendant le premier régime, ce sont les Peulhs qui se sont sentis discriminés. Pendant le second régime, ce sont les Malinkés qui se sont sentis discriminés par un pouvoir politique soussou, et aujourd’hui nous assistons à une forme d’ethnicisation outrancière de la politique qui ne dit pas son nom, dans une opposition très farouche entre Peulhs et Malinkés. Et qu’est-ce qu’ils gagnent dans cette division-là ? Ils gagnent la pauvreté. Parce que très réellement, c’est une petite minorité qui profite de cette division, au détriment de la grande majorité. Donc, lorsqu’ils ne comprendront pas que leur ennemi commun c’est la pauvreté et c’est pour la défense de leur intérêt commun qu’ils doivent se lever pour lutter contre la pauvreté, alors on n’est pas sorti de l’auberge. C’est pour cela qu’il faut ouvrir le débat, il faut expliquer qui nous sommes en tant que Guinéens. Parce que nous nous sommes constitués à travers une adjonction de différentes communautés. A la base, on n’était pas destiné à être un Etat. Le Fouta, c’était une monarchie ; la Haute Guinée, c’était un empire auquel des territoires étaient rattachés ; donc il faut expliquer que c’est maintenant qu’on doit essayer de constituer cet idéal national ».
Abdou Lory Sylla pour Guinee7.com