L’arrivée d’Alpha CONDE au pouvoir en 2010 avait suscité beaucoup d’espoir au sein de la population guinéenne et auprès des partenaires de la Guinée. Cet espoir était fondé sur la constance de l’opposant politique qui a mené un long combat pour l’avènement de la démocratie. Malheureusement, Alpha Condé a progressivement sapé ce capital de confiance. La volonté de se maintenir au pouvoir pour un 3e mandat inconstitutionnel ne fait que renforcer ce profond sentiment de déception.
Aux premières heures de l’exercice du pouvoir, le Président Alpha Condé s’est montré démocrate et respectueux des principes de l’Etat de droit en prônant une république exemplaire. Il a veillé à ne jamais être du côté de l’injustice, de l’impunité et de la violation des lois de la République. Au-delà des considérations politiques de chacun, l’idée d’un Président honnête, et viscéralement attaché aux principes démocratiques était largement partagée.
Ce grand espoir vira vite à la désillusion au fil des mois de présidence. L’homme politique intègre a changé au point que ces soutiens en Guinée, en Afrique et à travers le monde assument difficilement le fait d’avoir participé à l’avènement d’un dirigeant autoritaire qui fragilise les fondements de la démocratie.
Alors que se profilent de nouvelles élections, il est nécessaire de rappeler que sous Alpha CONDE, l’organisation des scrutins s’est toujours accompagnée de manifestations de rues entraînant des morts, des dégâts matériels importants et de nombreuses arrestations. De 2013 à nos jours, toutes les élections ont été émaillées d’irrégularités, avec notamment l’interférence systématique des cadres de l’administration publique et des membres du gouvernement dans le processus électoral.
Alors que les dernières élections communales de février 2018 peinent encore à aboutir à l’installation des conseils de quartiers et des exécutifs régionaux, le mandat des députés a expiré depuis plusieurs mois. Ces deux exemples traduisent le manque de volonté du président Alpha CONDE de respecter le calendrier électoralet les règles de l’Etat de droit, non sans conséquences sur le fonctionnement de l’Etat.
Depuis 2010, les Guinéens souffrent d’une gouvernance économique où la corruption, la gabegie et le détournement des fonds publics sont devenus des pratiques courantes et tolérées. Les marchés de gré à gré, la floraison des sociétés minières sur fond de corruption, la surfacturation des travaux publics sont autant de facteurs qui contribuent à asphyxier l’économie guinéenne et à maintenir plus de 50% la population dans l’extrême pauvreté. La croissance à deux chiffres affichée par le gouvernement n’allège guère le coût du panier de la ménagère.
Pendant que les Guinéens manquent d’eau, d’électricité, d’infrastructures routières, scolaires et sanitaires, les prédateurs économiques pourtant épinglés par la presse indépendante ne sont pas inquiétés. Nous avons espéré disposer avec Alpha Condé d’une justice indépendanteet respectueuse des droits humains pour avoir lui-même été l’une des victimes des régimes précédents. Mais, celui qui se fait appeler le Mandela de Guinée a manifesté une indifférence totale face aux nombreux cas de morts (une centaine) et de blessés lors des manifestations sociales et politiques, réprimées par les forces de sécurité. Des journalistes sont persécutés et emprisonnés en violation flagrante de la loi 02 sur la liberté de la presse et le droit de manifestation consacré par la Constitution en son article 10 est remis en cause à travers une décision du Ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation interdisant à ce jour les manifestations sur toute l’étendue du territoire nationale. Des Postes avancés mixtes (police, gendarmerie et armée) sont installés le long des axes routiers, pour intimer et empêcher les citoyens d’exercer leur droit de manifestation.
Le procès sur le massacre du 28 septembre tant attendu par les Guinéens et la communauté internationale peine à être organisé par le simple fait que des personnes soupçonnées et inculpées sont nommées par Alpha CONDE à des très hautes fonctions de l’administration publique jouissant ainsi d’une injuste protection.
Enfin, Alpha Condé s’apprête à fouler au pied le principe d’alternance démocratique, lui, dont l’élection est le fruit du combat des forces vives de la nation en 2009 pour se débarrasser du pouvoir militaire. Triste ironie de l’histoire, Alpha CONDE qui s’est farouchement opposé en 2001 au tripatouillage de la constitution pour un troisième mandat en faveur du Général Lansana CONTE, est celui qui entretien aujourd’hui le doute sur son départ au pouvoir en 2020, en violation de l’article 27 de la constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Face à ce bilan désastreux et au risque qui pèse sur la stabilité sociopolitique de notre pays, il est du devoir de tout citoyen de s’engager pour empêcher Monsieur Alpha CONDE de changer la constitution à l’effet de briguer un troisième mandat.
Ibrahima DIALLO
Coordinateur du mouvement Tournons La Page en Guinée.
Conakry le 23 septembre 2019