La liberté d’opinion est un droit fondamental garanti par la constitution guinéenne en son article 11, et par tous les textes conventionnels comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen. Elle confère à chaque individu le droit d’émettre sa pensée dans les limites établies par la loi. Elle n’autorise par contre, personne de mentir, de travestir la réalité des faits ou de véhiculer ses émotions au nom de la vérité universelle. Pourtant il n’est pas rare de constater que certains intellectuels interviennent parfois sans réserve, sans recul, dans le but de corrompre l’opinion nationale. D’autres moins avertis, se rendent complices de ces falsifications par manque de rigueur intellectuelle, parce que n’ayant suffisamment pas vérifié l’information. Nulle surprise donc de percevoir dans certains ouvrages et articles, des contes de fée des plus ridicules. Le dernier en date, sans doute le plus ignoble et le plus dangereux: un ouvrage ordurier truffé de déchets, intitulé « Camp Boiro: l’Auschwitz des Guinéens » publié par Thierno Monénembo. Certainement la merde de la merde, dans laquelle l’auteur ne s’embarrasse pas malgré l’évidence, de sortir des insanités comme 50 mille morts, ou comme Sékou Touré a déclaré la guerre aux Peuls…
Il s’agit vraisemblablement du faux en histoire, cette stratégie malhonnête de déformer, de dénaturer à son entendement les faits et événements du passé. Le faux » est un objet d’étude historique en lui-même historicisé par l’Histoire : c’est une manipulation contre l’histoire, une manipulation pour agir sur l’Histoire et la modifier.
En Guinée, le faux historique a causé une fracture mémorielle considérable. Par des interprétations faciles, des agitations partisanes, la Nation guinéenne a fini par perdre sa mémoire. Par la faute de certains compatriotes, chaque Guinéen raconte aujourd’hui les faits et éventements passés à sa guise. Il n’ y a presque plus consensus sur notre histoire. Ce qui constitue en soi un « délit d’opinion » dans un État de droit. Pour ma part, je ne prétends pas détenir la science infuse, mais je voudrais par ce texte, apporter une énième contribution au rétablissement de la vérité historique. Ce texte traitera de l’épineuse problématique de la prétendue « persécution peule sous le régime de la Révolution. S’il s’adresse prioritairement aux jeunes générations, ce texte constitue également « un droit de réponse » aux falsificateurs endurcis qui manipulent la mémoire collective pour diviser les enfants de la République.
Mais y a-t-il eu vraiment persécution anti-peule ? Sinon, pourquoi cette diabolisation de notre histoire ?
En fait le projet d’infériorisation de la Guinée, de la division de son peuple, de la diabolisation de son histoire, est un vieux projet que des cercles françafricains traînent encore. Pour comprendre cet acharnement, il est important de rappeler quelques faits et évènements historiques. Il est surtout important pour nous Africains de Guinée de saisir les enjeux géopolitiques auxquels nous sommes confrontés. Si l’Afrique a été dominée pendant ces 5 derniers siècles, c’est principalement dû à la naïveté de ses enfants à facilement mordre à l’appât de la division. L’occident depuis son apogée, a instauré un monde de force brute. Dépourvues de moyens de subsistances, les nations impérialistes dont la France, pillent des contrées pour s’enrichir, semant désolation, famine et massacres. Elles tirent leurs croissances dans le malheur qu’elles sèment chez les autres. Et nous Afrodescendants, sommes les seuls à ne pas encore maîtriser ces enjeux.
En Guinée, cet acharnement débuta sous la colonisation. Lorsque le système colonial dans sa politique de « diviser pour régner », favorisa, comme il le fit ailleurs, la destruction de nos structures sociales traditionnelles et la naissance de classes sociales antagoniques. Partout une petite bourgeoisie acquise à sa cause fut entretenue pour contrer le désir légitime des masses à disposer d’eux-mêmes. En octroyant des privilèges importants aux plus dociles et en réprimant les plus rebelles, le système colonial créa une nouvelle structuration des rapports humains sur le continent.
Il privilégia cette nouvelle bourgeoisie sur qui, il allait se reposer pour garantir sa domination sur les masses qu’il exploitait. Parfois, il est allé jusqu’à opposer les Nations (ethnies); les unes contre les autres. D’où la naissance du tribalisme en Afrique. Vous remarquerez qu’au Rwanda, le colon s’est longtemps appuyé sur les Tutsis contre les Hutus, et au Burundi voisin, il soutenait les Hutus contre les mêmes Tutsis. En Côte d’Ivoire, c’était les Baoulés contre les Bétés réputés rebelles. Que dire de l’extermination des Swanhis en 1960 par les « marsouins français », une autre ethnie de la Cote d’Ivoire, aussi rebelle que les Bétés ? Qu’en est il du massacre des Bamilékés au Cameroun, environ 300 000 ? En Guinée, l’association Gilbert Veyard sous la dictée des colons, a provoqué des affrontements sanglants en 1955. Cela a abouti à la riposte des indépendantistes (kinssi guéré). C’est ainsi que sur « du diviser pour régner » le système colonial organisa partout sa domination et le pillage de nos ressources.
Face à ce statut quo, la Révolution guinéenne a quant à elle, fait le choix de la résistance. Là où Thomas Sankara s’est laissé tuer, là où Lumumba s’est fait surprendre, la révolution guinéenne a fait le choix de prévenir d’abord tout clivage interne aux moyens du consensus national de 1959, avant de mater tout contrevenant à l’ordre républicain. Et cela sans tenir compte de l’appartenance ethnique des uns et des autres. Il suffit de voir la liste des victimes du camp Boiro pour se rendre à l’évidence qu’aucune composante de notre Nation n’ait été systématiquement visée et exterminée. Il n’y a qu’à voir la liste des complots revendiqués par les agents secrets français pour également s’en rendre compte : Que ça soit « l’opération Fouta Djallon de 1959 » ou « l’opération Persil » de 1959 dont les détails se retrouvent dans la piscine ou Histoire secrète de la Vème République. Que ça soit le complot des enseignants revendiqué par Maurice Robert dans ses mémoires, que ça soit le complot des commerçants de 1965 (complot Petit-Touré), revendiqué par Jean Faraguet Tounkara comme cerveau ; que ça soit le trio de 1969, ou encore l’agression portugaise de 1970, ou même l’opération saphir au cours de laquelle Diallo Telly avait été arrêté …jusqu’au rétablissement des relations Franco-Guinéennes.
Au-delà, la Révolution guinéenne s’est donnée pour mission la redistribution équitable des ressources de l’État, la destruction de cette injuste hiérarchisation sociale, le bannissement de la capitation arbitraire et l’établissement d’une société égalitaire. Une nouvelle Guinée était née, une société nationale multiculturelle et multiethnique au sein de laquelle tous les enfants de la République étaient placés au même piédestal. Ce qui n’était pas sans conséquences. En effet, la petite bourgeoisie, non contente d’avoir perdu ses petits privilèges avec l’avènement de la République, va servir de pion à l’impérialisme pour aider à déstabiliser le jeune État. Voilà la source de tous les problèmes que nous vivons jusqu’à aujourd’hui. Il s’est opposé dans notre pays à l’époque, deux visions antagoniques : une vision panafricaniste révolutionnaire qui rêvait d’une Afrique unie, libre, indépendante et prospère ; et une vision libéro-coloniale, qui pensait et pense aujourd’hui encore à travers des moutons de Panurge, qu’il faut rester esclaves pour se développer. Comme si cinq (5) siècles d’exploitation nous avaient apporté quelque chose. Voilà les deux positions qui s’offraient à chaque Guinéen, il faut le savoir. Or, quand on conspirait à l’époque, on le payait cher. C’était donc une question de choix, qu’il faut savoir assumer. Des antécédents historiques ne manquent pas. Le Camp Boiro est né de cet affrontement.
Mais que retenir de cette répression qui nous a coûté quelques centaines de vies humaines ?
Il est à retenir donc, que la répression sous la révolution était fondée sur le dégoût qu’avaient les Pères Fondateurs pour la trahison de la fraternité Républicaine. Pour ces Africains dignes, l’autodétermination de notre peuple devait être préservée à tout prix. Le Président Sékou Touré lui-même l’a mentionné dans l’un de ses tomes : « nul sacrifice n’est trop lourd pour celui qui défend la liberté de son pays ». Or, une partie de l’élite nationale s’étant à l’évidence inscrite dans cette forfaiture, la petite bourgeoisie en l’occurrence, dont le rôle historique aurait dû être de cimenter cette jeune République, s’étant malheureusement livrée aux services secrets français, pour perpétrer des actes criminels contre leur propre pays, la répression contre elle, dans ce contexte de guerre secrète, était inévitable. Car aux yeux du peuple du 28 septembre, les collabos méritaient d’être châtiés au même titre que leurs commanditaires, pour avoir voulu jeter en pâture cette dignité si chèrement reconquise. N’est-ce pas, le peuple lui-même scandait « au poteau ! » lors des pendaisons de 1971? Ceci peut paraître cruel aux yeux de ceux qui ont perdu leurs proches, mais pour l’opinion nationale de l’époque, la révolution a fait ce qu’il fallait pour défendre l’honneur de la République. Il nous revient, à nous autres maintenant de corriger les erreurs de ce passé.
Mais que retenir du Camp Boiro ? Quel rapport avec le Camp génocidaire d’Auschwitz ? Qui sont selon Monenembo, les juifs de Guinée ? Et qui en sont les nazis ? La réponse à ces questions fera l’objet de la deuxième partie de l’article. Que Dieu bénisse la Guinée et les Guinéens !
Kémoko CAMARA, Porte-parole du Front Républicain