Les représentants de la Communauté internationale chargés du suivi des législatives en Guinée (ONU, France, USA, UE, Cédéao) ont fait état mardi soir d’un certain nombre de « manquements » et « irrégularités » lors du scrutin du 28 septembre, dont l’opposition a réclamé l’annulation pour fraudes.
« Des manquements et des irrégularités ont été observés dans un certain nombre de circonscriptions empêchant la prise en compte d’un nombre significatif de suffrages exprimés, pouvant ainsi remettre en cause la sincérité de certains résultats », ont estimé ces diplomates dans une déclaration commune, citant huit circonscriptions concernées sur 38 au total.
Ils « recommandent » en conséquence à la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de « circonscrire ces cas et d’en faire état dans le document de transmission des résultats provisoires à la Cour suprême ».
« Ils recommandent en outre que la Céni dresse un rapport circonstancié sur chacun de ces cas et les transmette à la Cour suprême dans le délai le plus court possible après la proclamation des résultats provisoires et en tout état de cause avant l’expiration du délai prévu par le code électoral pour le dépôt des recours ». Ils demandent également « la publication des résultats par bureau de vote dans le même délai ».
Les diplomates membres du comité de suivi des élections en Guinée sont le représentant spécial de l’ONU Saïd Djinnit, facilitateur dans le dossier guinéen, les ambassadeurs de France, des Etats-Unis, ainsi que les représentants de l’Union européenne et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Dès lundi, les observateurs de l’UE avaient regretté d' »importantes carences organisationnelles » dans le processus électoral, citant en particulier un fichier électoral « ni épuré ni consolidé », le « manque de transparence » et la « politisation » de la Céni, un recours « massif » du parti au pouvoir aux moyens de l’administration, des anomalies dans la cartographie électorale etc.
Mais le climat s’est encore alourdi au fil des jours face à la lenteur de la Céni qui n’a toujours pas publié les résultats complets, onze jours après le scrutin.
Depuis, les opposants ont dénoncé des fraudes « massives » et « généralisées », et menacé d’appeler à des manifestations si le scrutin n’était pas annulé.
Ils ont notamment mis en cause la non prise en compte de nombreux bureaux de votes dans certaines circonscriptions, l’invalidation de milliers de votes dans des circonscriptions réputées favorables à l’opposition et a contrario une participation extraordinairement élevée (jusqu’à 92%) dans les fiefs du parti au pouvoir.
Le parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée, a lui aussi annoncé qu’il introduirait des recours, accusant à son tour l’opposition de fraudes.
Selon une source diplomatique à Conakry, les huit circonscriptions citées par les représentants internationaux du « Comité de suivi » (Boffa, Boké, Dubréka, Gaoual, Kaloum, Lélouma, Matam et N’Zérékoré) font l’objet de contestations ou de l’opposition ou du parti au pouvoir, voire des deux camps à la fois, principalement en raison de l’absence de procès-verbaux.
Les législatives du 28 septembre, repoussées à plusieurs reprises depuis trois ans faute de consensus entre pouvoir et opposition, doivent permettre de tourner la page d’une transition agitée en Guinée.
Depuis le début de l’année, les violences liées au processus électoral ont fait une cinquantaine de morts et des centaines de blessés, sur fond de tensions communautaires.
Mardi, le président Alpha Condé, devenu le premier président démocratiquement élu de Guinée en 2010 à l’issue d’un scrutin déjà contesté, a déclaré, dans un entretien à l’AFP, n’être « ni impressionné, ni gêné » par les accusations de fraudes de l’opposition, réaffirmant son engagement pour des élections « transparentes, libres et démocratiques ».
Selon des résultats provisoires portant sur 36 des 38 circonscriptions, le RPG du président Condé est en tête du scrutin. Mais, selon les experts électoraux, le caractère mixte du scrutin (uninominal pour 38 députés et proportionnel au plus fort reste pour les 76 autres) empêche pour l’instant de dire si le RPG disposera ou non d’une majorité absolue au parlement.
AFP