La physionomie de la Guinée, les conditions matérielles d’existences des populations ainsi que le caractère abimé de notre économie mettent en exergue la nécessité absolue et l’urgence de mener des réformes par le Gouvernement issu des élections présidentielles. Les réformes à mener doivent s’accompagner de pédagogie, de tacts, de vision et de talents au risque de renforcer les difficultés déjà socialement intenables.
Cette tribune succincte a un triple objectif. Il s’agit tout d’apporter un certain éclairage sur l’état actuel de la situation économique, monétaire et financière de la Guinée, d’analyser l’efficacité en particulier des mesures prises au niveau budgétaires et monétaires ainsi que de faire quelques recommandations sur les actions d’avenir.
Malgré le potentiel de développement incommensurable en termes de détention de ressources du sol et du sous-sol, l’économie guinéenne reste profondément marquée par :
- Une absence de croissance économique (4,4% en moyenne de 2010 à 2019) ;
- Une croissance démographique de 3,9 % en moyenne annuelle ;
- Un déficit commercial chronique (22 % du PIB par an de 2010 à 2020) ;
- Une monnaie nationale défaillante ;
Pour faire face à ces défis, il sera nécessaire d’adopter un plan de relance de l’économie nationale dont l’objectif principal s’articulera autour de la Refondation et la Révision Générale des Politiques Publiques (RRGPP). Pour atteindre un tel objectif, un changement à la fois des mentalités mais aussi du fonctionnement des institutions du pays s’impose.
De façon spécifique il s’agit de mettre fin à plus d’un demi-siècle de mauvaise gouvernance à travers une gestion efficiente des finances publiques, la lutte contre la délinquance économique et financière structurelle et de ses impacts nocifs sur l’économie et enfin, extraire des millions des guinéens dans l’extrême pauvreté afin d’estomper la forte attente sociale.
L’essentiel des statistiques fournies est le résultat du recoupement de diverses données officielles des Ministères de l’économie et des finances, du Ministère du plan à travers le MSEGUI, de la BCRG et des conclusions des Rapports de consultation entre la Guinée et les principaux bailleurs de fonds.
Comment en est-on arrivé là ?
En dépit des efforts consentis par les autorités guinéennes, les principaux indicateurs macroéconomiques se sont nettement détériorés au cours des 9 dernières années car, la croissance économique est passée de 1,9% à 6,3% en 2019 (contre une réalisation de 10,8% en 2016 et 10,3% en 2017). Cette situation s’explique par l’impact de l’épidémie EBOLA, la baisse du prix des matières premières exportés, des manifestations orchestrées par les opposants, de l’attentisme né des élections législatives de 2013 et de celles présidentielles de 2015.
De plus, l’effectif de la fonction publique tel que résultant de la fiche des paies a atteint 108 674 fonctionnaires à fin décembre 2019, contre 94 914 en 2010 avec une masse salariale en augmentation de plus de 50%. Sur le marché de change, nous avons assisté à une dépréciation du GNF, car le taux s’est stabilisé autour de 9 342,24 en contre 5728,42 en 2010. Cette augmentation du taux de change a entrainé l’affaissement de la valeur extérieure de la monnaie ainsi que le déficit commercial (22% par an). Les réserves de change de la Banque Centrale s’effondrent à moins d’un mois d’importations contre un minimum de trois (3) d’importations comme le recommande le FMI et/ou les accords de convergence dans le cadre de la création de la monnaie unique CEDEAO.
Sur le plan monétaire, nous assistons à l’explosion de la masse monétaire passant de 10 366 en 2010 à 29 829 à fin décembre 2019, soit un accroissement de 185% avec un taux de liquidité de l’économie à 27,1%. Le résultat de ces évolutions macroéconomiques négatives est l’aggravation de la pauvreté en Guinée. De ce fait, l’indice Général de la Pauvreté est passé de 52% en 2010 à 55% en 2012. Quant à la pauvreté multidimensionnelle, elle touche 61% de la population en particulier les femmes et les enfants.
Les prévisions faites par le Gouvernement en termes d’antidotes pour combattre la crise économique, monétaire et financière :
Au vu des circonstances, les autorités guinéennes ont l’intention de resserrer les politiques économiques afin de réduire les déséquilibres macroéconomiques actuels.
Pour l’année 2020, les autorités guinéennes fixent un objectif de croissance de 6,3% du PIB (Produit Intérieur Brut) contre 10,3% dans la loi de finances rectificative de 2017. En ce qui concerne la monnaie, les autorités monétaires visent à atteindre un taux d’inflation de 9,6% en glissement annuel contre 7,3% en 2015. S’agissant des finances publiques, le projet de loi de finance prévoit un taux de pression fiscale de 13,5% du PIB contre 13,7% en 2019. Dans la même lancée, le gouvernement guinéen souhaiterait avoir un niveau de déficit budgétaire de 3,4% du PIB, un maintien des réserves de changes à trois (3) mois d’importations et un taux de liquidité de l’économie à 28,8% contre une moyenne de 15% dans les pays assurant une meilleure gestion de la monnaie. Quant au taux de change, il sera stabilisé à 9 225,3 GNF le dollar tout en continuant naturellement à réduire la prime de change entre le marché parallèle et officiel.
Les mesures suivantes peuvent renfoncer l’efficacité des choix faits par les autorités publiques en 2020 :
Pour que l’ensemble des engagements pris par le gouvernement à fin décembre 2019 aient une chance d’aboutir, il serait indispensable de faire la séparation des mesures conjoncturelles dont l’objectif est la stabilisation macroéconomique, des mesures structurelles dont l’objectif est la promotion de la croissance économique en passant par la lutte contre la pauvreté. Pour ce faire l’Etat doit :
- Poursuivre et généraliser le paiement des salaires des fonctionnaires par virement bancaire. Auparavant, la BCRG et le Gouvernement doivent s’assurer que les fonctionnaires disposent de comptes bancaires dans les conditions satisfaisantes mais surtout que les banques commerciales sont capables d’accueillir ces nouveaux clients avec un nombre suffisant de distributeurs automatiques de billets afin d’éviter des paniques et des files d’attente interminables devant les banques commerciales.
- Refuser systématiquement les exonérations fiscales injustifiées et procéder au règlement des débits d’impôts évalués à des centaines de milliards de GNF par acomptes provisionnels auprès des sociétés et des particuliers concernés.
- Mettre fin à l’existence de moins-values financières car, le manque à gagner s’élève à plusieurs dizaines de milliards de GNF par an. En plus, l’Etat doit également augmenter dans les meilleurs délais, la capacité d’absorption des administrations publiques en termes d’élaboration et d’exécution de projets de développement.
- Augmenter dans les meilleurs délais, la capacité d’absorption des administrations publiques en termes d’élaboration et d’exécution de projets de développement.
- Faire des économies en poursuivant l’assainissement du fichier de la fonction publique. L’objectif est également de mieux prendre en charge financièrement des jeunes ayant réussis aux concours d’accès à la fonction publique mais pas encore pris en charge convenablement…