La rue et les clameurs ont leurs limites naturelles. Les forces opposées à la nouvelle constitution et ses institutions et qui s’étaient donné pour dessein d’empêcher le référendum ayant conduit à leurs naissances ont échoué à travers leurs objectifs. A présent, elles posent certaines conditions comme préalables à un dialogue inclusif : la renonciation du Président de la République à la volonté de briguer un autre mandat, la dissolution de l’Assemblée Nationale et de l’abrogation de la constitution issue du référendum du 22 mars 2020 et l’implication de la communauté internationale dans le processus de dialogue. La CENI a déjà proposé une date pour le premier tour de la présidentielle de 2020 et aussi une autre pour la révision exceptionnelle des listes électorales, 20 juillet, date retenue par le FNDC pour appeler au départ du Président Condé. Que veut-on ? Nous vivons déjà une crise sanitaire qui affecte nombre de secteurs de notre tissu productif et même nos vies en ce sens que la mobilité des personnes est réduite et que les grands rassemblements sont interdits. Cette crise-là nous fait vivre une grande incertitude.
Si la CENI procède à la révision exceptionnelle des listes électorales dans ce climat de tensions et de surenchères verbales, elle obtiendra un fichier électoral qui sera sitôt décrié. Le fichier électoral sain est le premier gage d’une élection transparente et s’il ne fait pas l’unanimité, il serait difficile de parler d’élections inclusives. Si les forces politiques opposées à la candidature du Président Condé s’intéressaient à la présidentielle, accepteraient-elles qu’il soit dressé un fichier électoral qui ne donnerait pas une égale chance de départ aux candidats ? Vont-elles boycotter la présidentielle ? Vont-elles encore se proposer de l’empêcher ? Voilà des questions qui n’ont pas de réponses toutes faites. Notre incapacité à les répondre montre que nous vivons dans l’incertitude et que notre démocratie est fragile. Tout peut arriver le meilleur comme le pire, dit-on.
Si la présidentielle n’a pas lieu cette année, le Président Condé ne pourra plus être candidat à un autre mandat, il sera à la tête d’une transition qui durera le temps d’adresser les questions essentielles reportées à causes des calculs mesquins des uns et des autres et aussi à cause de l’absence de confiance entre les parties. Une transition aiguise les appétits et pourrait faire perdre le temps au pays qui veut se redresser. Elle peut aussi être l’occasion pour trahir les aspirations nationales. Où est dans tout cela l’intérêt de la Guinée ?
La crise sanitaire qui éprouve le pays a permis de taire nos contractions et de reporter la résolution de certains de nos maux qui croitront si nous ne faisons rien pour les répondre. Il faudra les abréger et cela exige de les poser tels qu’ils sont et d’avoir le courage de les adresser. Cela se fait par le dialogue. On n’a en eu assez et les recommandations des différents dialogues n’ont pas été observés, me dira-t-on. Mais les questions à traiter sont différentes et les contextes aussi. Le présent dialogue auquel nous appelons doit porter sur des questions précises et être placé sous l’égide de la communauté internationale qui doit s’impliquer pour éviter au pays des crises inutiles. Le dialogue doit porter sur les conditions d’organisation d’une élection présidentielle transparente et inclusive en Guinée. Une partie prenante à un dialogue peut-elle poser des préalables à sa participation ? Nous pensons que oui à la seule condition qu’ils soient réalistes. Comme il faut défendre l’intérêt de la Guinée qui doit triompher sur tous les autres, aucun préalable sérieux ne doit empêcher que les acteurs de la vie politique nationale discutent des conditions d’une élection aussi importante que la présidentielle. Il faudra parler des conditions d’organisation de la prochaine présidentielle qu’Alpha Condé soit candidat ou non. Dialoguer autour des questions liées à présidentielle exige de traiter les matières qui sont ; la date du premier tour, le fichier électoral, l’accès égal des candidats aux médias publics, les observateurs électoraux et l’implication de la communauté internationale pour la tenue d’une élection transparente. Quelle date pour la présidentielle ? Quel fichier électoral ? Quelles parties prenantes ? Une initiative nationale ne réussira pas, le pays n’a plus d’autorité morale et la confiance entre les acteurs est entamée. La médiation doit être internationale. La communauté internationale soucieuse de la stabilité en Guinée et dans la sous-région doit appeler au dialogue et œuvrer à mettre les parties prenantes nationales à la table de négociation alors qu’il est temps. Elle doit à présent appeler au moratoire sur la révision exceptionnelle du fichier électoral prévue pour le 22 juillet prochain qui compromet la tenue d’un dialogue sérieux.
Ibrahima SANOH,
Citoyen guinéen.