C’est par le travail qu’on peut vivre, accéder à la dignité, trouver des ressources pour éduquer ses enfants, apprendre et surtout élargir ses palettes de choix. Mais pour que les gens vivent de la sueur de leurs fronts, il faudrait éviter qu’ils soient exploités par les employeurs cherchant à maximiser à tout prix leurs profits. C’est de l’idée de protéger les travailleurs et de leur garantir un minimum de dignité que le salaire minimum a été légiféré.
La Guinée est confrontée à un chômage structurel expliqué par : la nature du modèle de croissance – unijambiste, tributaire des performances du secteur minier sans effets d’entraînement avec les autres -, l’étroitesse du marché du travail – concentré à Conakry et dans ses environs en raison des coûts de production plus élevés dans les autres localités-, l’inadéquation de la formation des actifs diplômés aux besoins du marché du travail. Alors la question est : faut-il d’abord créer des emplois pour le plus grand nombre ou plus de sécurité pour un petit nombre ?
C’est le secteur privé guidé par les investissements des entreprises qui doit créer le plus d’emplois. Ce sont les entreprises privées qui font des investissements variés ; ce elles, mues de profits , qui font des anticipations sur l’avenir. Ce sont elles qui, pour croître, recrutent des compétences, accroissent leurs capacités de production, investissent dans la recherche et l’innovation.
L’Etat ne peut pas créer le travail pour tous. L’idée du plein-emploi est une affabulation car, les créations d’emplois tirées par les investissements publics massifs créent des effets d’éviction sur les investissements privés. Aussi cela crée à longue échéance la détérioration des pouvoirs d’achat. L’arbitrage entre chômage et l’inflation n’est possible qu’à court terme. A longue échéance le principe de la séparation entre sphères réelle et monétaire n’est plus vérifié.
Dr. Makalé Traoré s’engage à revaloriser le SMIC qui passera de 440 000 GNF à 1 320 000 GNF dès le 1er janvier 2021 pour un coût annuel de 1 200 milliards. Pour elle, c’est le secteur public qui doit créer des emplois et ceux qui y travaillent doivent pouvoir vivre de leur travail. Cette idée de valoriser le SMIC procède d’une double erreur. La première est qu’elle confond les secteurs public et privé. Les objectifs des deux secteurs sont pourtant différents. Le service délivré par le secteur public n’est pas marchand alors que celui du privé l’est. Dans le secteur privé comme dans le public, tout recrutement supplémentaire engendre un coût supplémentaire. Dans le secteur privé, le recrutement est fait à la productivité marginale du travail devant être supérieure au coût engendré par l’emploi d’un actif supplémentaire. En plus, dans le secteur privé, les réalités liées aux différents secteurs sont différentes. La seconde erreur est que qu’elle veut que les entreprises privées supportent les coûts liés à une telle revalorisation alors qu’elles vivent un moment d’incertitude lié à la pandémie de la COVID-19.
En raison de l’inadéquation de la formation aux besoins du marché de travail, assez d’actifs diplômés ne sont pas opérationnels après les études souvent théoriques. Comment une entreprise peut-elle accepter de payer un salaire minimum si élevé à un employé qui n’est pas opérationnel et qui ignore tout des tâches et des missions liées à son poste ? qui n’a pas les compétences techniques requises ? Ce sera comme si elle lui payait pour apprendre alors qu’elle l’emploie pour accomplir des tâches et contribuer à la réussite de ses objectifs. C’est raison pour laquelle dans les appels d’offre, les employeurs exigent plusieurs années d’expériences : 3ans, 5 ans, etc.
Une telle revalorisation ne favorisera pas la création des emplois. Elle procurera plus de sécurité pour un petit nombre et empêchera le plus grand nombre à accéder au travail. Elle favorisera les Insiders, c’est-à-dire ceux qui sont dans l’emploi ou qui sont déjà embauchés, qui deviennent davantage privilégiés. Elle leur favorisera la mobilité. Les perdants seront sans nul doute ceux qui cherchent le travail, souvent le premier emploi, et qui, pour le plus grand nombre, n’ont pas la qualification adéquate. Le marché du travail est étroit et notre modèle économique ne crée pas les emplois, ne l’oublions pas.
L’élévation du salaire minimum n’est pas la meilleure façon d’aborder le problème qui est : créer d’abord des emplois ou des emplois décents ? Il faut d’abord un modèle productif avant un modèle social. Si on veut améliorer les conditions de vie des travailleurs, la bataille à mener doit être l’institution d’un autre modèle productif : diversifié, tiré par d’autres moteurs de croissance (agriculture, agro-industrie, pêche, l’élevage, le BTP, les transports, l’innovation et la recherche). Cette bataille doit être en faveur des pouvoirs d’achat. Or, il ne saurait avoir de hausse ou même de stabilité des pouvoirs d’achat sans stabilités macroéconomique et politique. Peut-être faudra-t-il réduire les cotisations salariales pour augmenter les salaires nets sans alourdir le coût du travail. Les agents vivant dans l’économie informelle sont considérables. Et là, on ne paie pas de cotisations salariales.