Un antiviral japonais, la sérothérapie et un test de diagnostic simple et rapide vont être testés sur des malades très prochainement.
Non, la recherche française n’a pas découvert «le» traitement miracle contre Ebola, qui reste à ce jour inexistant. Mais ses acteurs, réunis au sein de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan), ont développé ces derniers mois plusieurs projets pour faire progresser la lutte contre la maladie. Ils les ont présentés mardi.
Le temps de la recherche médicale se compte ordinairement en années. Mais face à la progression fulgurante de la fièvre hémorragique en Afrique de l’Ouest, où elle a déjà fait plus de 4 500 morts, les scientifiques ont reçu le feu vert et même les encouragements de l’Organisation mondiale de la santé pour accélérer et réinventer les procédures de validation clinique.
Associer des molécules
L’équipe Inserm du Dr Denis Malvy, spécialiste des maladies tropicales au CHU de Bordeaux, va ainsi évaluer sur des malades l’efficacité du favipiravir. Cet antiviral, déjà commercialisé au Japon dans le traitement de la grippe sévère, a plusieurs atouts: il a fait la preuve de son innocuité, il s’administre par voie orale et il est disponible dès à présent en quantités industrielles. Les chercheurs pensent que la molécule pourrait contribuer à casser l’expansion du virus dans les premiers jours d’apparition des symptômes, mais cela reste à vérifier.
Les scientifiques vont pour cela travailler de façon concomitante dans deux directions. D’une part, un essai clinique monté en partenariat avec Sakoba Keita, chef de la division prévention et lutte contre la maladie en Guinée, qui portera sur une soixantaine de patients guinéens. Les tests débuteront dans les jours à venir et des résultats préliminaires sont attendus en janvier. Les volontaires recevront le traitement pendant 10 jours. «Si l’on observe une efficacité contre le virus, la molécule sera intégrée dès février dans une stratégie de plus grande ampleur», explique le Dr Malvy. En parallèle, le laboratoire P4 de Lyon (Jean Mérieux-Inserm) poursuivra des tests sur des singes pour déterminer les doses, la voie et la fréquence d’administration optimales.
Mais même en cas de signaux positifs, «aucun miracle n’est à attendre de cette seule molécule», met en garde le Pr Jean-François Delfraissy, coordinateur des opérations internationales et nationales de réponse à la crise d’Ebola. «Il faudra certainement combiner plusieurs molécules ou thérapeutiques, un peu à la manière de la trithérapie pour le VIH».
Un résultat en 15 minutes
Le cocktail pourrait comprendre des molécules expérimentées dans d’autres pays, voire des traitements dont l’intérêt contre Ebola n’a pas encore été identifié. C’est d’ailleurs la tâche d’une équipe Inserm et d’Enyo Pharma que de passer en revue des dizaines de molécules autorisées pour d’autres pathologies, dans l’optique d’isoler et tester de nouveaux profils intéressants.
Toutes ces pistes n’excluent pas la sérothérapie, qui va aussi faire l’objet d’essais cliniques. Ce procédé, qui consiste à purifier du plasma de personnes guéries pour en récupérer des anticorps neutralisants et à les réinjecter à des malades, sera assuré par l’Établissement français du sang, avec des résultats espérés en février ou mars. «C’est un challenge majeur, je ne sais pas si on pourra le relever», insiste, prudent, Jean-François Delfraissy, soulignant les difficultés pour assurer la sécurité des donneurs et des receveurs, et pour recruter des volontaires parmi les survivants. «Ils préfèrent oublier ce qui leur est arrivé» constate-t-il.
Autre piste bien avancée: la mise au point d’un test de diagnostic rapide, semblable à un test de grossesse, donnant une réponse en 15 minutes à partir d’une goutte de sang. Il s’agirait d’un grand progrès par rapport au test actuel, qui nécessite 6 à 7 heures dans un laboratoire à très haut niveau de sécurité. L’eZyscreen, développé en deux mois par le CEA, va être produit d’ici à fin octobre en plusieurs centaines d’exemplaires pour être testé sur des patients. Un enjeu essentiel quand on sait qu’un malade dépisté et donc pris en charge tôt a bien plus de chances de surmonter la maladie.
Source : Le Figaro