Avant son accession à la présidence de la république, Alpha Condé était perçu par nombre de Guinéens comme l’homme du changement. C’est du moins ce qu’il nous a laissé entendre. Dans ses discours, il insistait sur sa volonté de marquer la rupture avec les pratiques du passé. Les Guinéens avaient des raisons de le croire. Son passé d’opposant politique aux régimes précédents ne constituait-il pas un gage pour une réforme des structures et des mentalités en Guinée ?
Aujourd’hui, la réalité est tout autre. La gestion des affaires de l’État du président Alpha Condé a surpris plus d’un Guinéen. Qu’on m’entende bien ! Je ne doute pas un seul instant de l’intégrité du président. Jusqu’à preuve du contraire, je pense que c’est un homme honnête. Je le crois aussi sincère lorsqu’il affirme vouloir transformer la Guinée en une nation unie et prospère. Enfin, à son actif, il importe de noter des résultats économiques méritoires obtenus dans un contexte national et international difficile.
Ma frustration avec le président est ailleurs. Elle a trait à son inclination récurrente à recycler des hommes du passé. Pourquoi, mon Dieu, le président pense-t-il devoir s’entourer des mêmes personnes responsables du désastre économique de la Guinée ? D’un remaniement à l’autre, l’État guinéen est devenu le refuge des anciens ministres du président Lansana Conté. Le clientélisme est devenu une pratique courante. Des ministères sont créés, non pas en fonction des besoins du pays, mais pour récompenser des individus ou acheter une loyauté politique. Le rituel ne date pas d’aujourd’hui. Nous avions déjà sonné l’alarme : la nomination, au rang de ministre, du mari de Mme Boiro, ancienne directrice du Trésor et celle, plus contestable encore, de M. Lousény Camara, ancien président de la CENI, relevaient de la politique politicienne. Au président, nous posons alors la question suivante : que peuvent apporter à l’État guinéen des personnalités d’hier comme Ahmed Tidiane Souaré, Ousmane Kaba, François Lonsény Fall et Ibrahima Kassory Fofana ? Chez nous, ces noms évoquent de tristes souvenirs, une époque caractérisée par la corruption et le pillage systématique de nos ressources. Qui ne se souvient de l’époque Dadis Camara où ces personnalités –plus exactement certaines d’entre elles- avaient reconnu leurs crimes et s’étaient engagées à rembourser les sommes faramineuses volées au peuple de Guinée ? Les Guinéens n’ont pas la mémoire courte. Pour nombre de mes compatriotes, le rêve d’un changement réel s’est peu à peu transformé en une véritable illusion.
La réalité est que le président Alpha Condé a sacrifié ses convictions aux contingences politiques. Il s’est rapidement métamorphosé au contact des réalités en inscrivant son action politique dans des alliances douteuses. Aujourd’hui, ses yeux sont rivés sur les présidentielles de 2015. Mieux vaut donc, pense-t-il, avoir certaines grandes gueules de son côté que de les avoir contre soi. C’est ce qui explique ces nominations à la sauvette, toutes circonstancielles et destinées à plaire. Tels sont les effets de l’amoralité en politique. Quand rien ne vaut rien, tout se vaut et le président n’hésite pas à enterrer ses promesses électorales.
Bonjour et adieu au changement !
Dr. Mamadi Keita Babila
Washington, DC