Après avoir suscité tant d’espoirs, la coopération Chine- Afrique et Russie-Afrique ,au plan minier et dans bien d’autres , risque, malheureusement, par le mauvais comportement de certaines de leurs entreprises, de tourner au cauchemar, pire à la catastrophe pour les pauvres populations qui sont et seront toujours les seules et véritables victimes d’une anarchique et polluante exploitation sans cesse croissante de nos ressources naturelles.
Si de nombreux gouvernements africains se réjouissent de l’importance, de la facilité et de la rapidité relative d’obtention des financements chinois ou russes pour la mise en œuvre de projets généralement miniers, ils se soucient par contre très peu des effets pervers pouvant en résulter.
Ces effets, qui menacent gravement notre environnement, et même notre avenir , sont souvent oubliés ou sous estimés par certains de nos dirigeants.
L’accaparement des terres arables et une faiblesse notoire de l’application du contenu local
La multiplication des exploitations minières prive les paysans d’autant de surfaces cultivables, supprimant ainsi des milliers d’emplois, sans leur offrir en contrepartie une compensation équivalente qui leur permettrait de vivre dignement.
Trop peu de membres des populations locales dans les zones concernées sont recrutés par ces sociétés, quand , au même moment, la sous traitance échappe aux entreprises guinéennes pour tomber dans l’escarcelle de celles appartenant généralement aux chinois ou russes, par le truchement de complices guinéens.
Un vol éhonté de nos ressources minières et financières.
Bien que se disant en phase d’implantation, nombreuses sont parmi ces sociétés qui se livrent à une exportation frauduleuse et massive de la bauxite ou autres matières minérales, ainsi qu’à des opérations injustifiées de spoliations financières.
Qui pourrait réellement évaluer les pertes subies par le trésor public dans ces opérations frauduleuses qui s’apparentent fort aux flibusteries des temps anciens ?
Quelles explications rationnelles donner au refus catégorique et obstiné de la Société RUSAL de payer les milliards de dettes dues aux entreprises guinéennes sans défense à Fria, en usant du fallacieux prétexte d’une prescription (période qui correspond au temps d’arrêt de l’usine ) impossible à prouver devant une juridiction compétente, indépendante et non corruptible . Pourtant, depuis la reprise de ses activités, il y a près de 4 ans, Rusal qui exporte des milliers et des milliers de tonnes d’Alumine par mois, se complait royalement dans sa posture de mauvais payeur, assurée qu’elle est de bénéficier d’une impunité totale.
Ne serait ce pas encore parce que forte de cette certitude d’impunité qu’elle est , que 4 années après la reprise de ses activités, Rusal continue de sous traiter les travailleurs guinéens, toutes catégories confondues (du cadre de direction le plus haut placé au dernier ouvrier), par l’entremise de SEINTA, une société « paravent’’, aux dires de certains , qui les contraint à renouveller mensuellement leur contrat de travail, avec des salaires peu dignes de la part d’une si grande entreprise minière ; ces salaires par taux horaire , selon une source fiable, seraient les suivants :
Agents Friguia
1-cadres de direction (17045 FG) , soit/mois 17045×8×26= 3545360 FG
2-Agents de maitrise( 13888 FG) , soit/mois 13888×8×26= 2888704 FG
3-Ouvriers (11250 FG ) /mois 11250×8×26= 2340000 FG
Agents EMF (8522 FG ) /mois 8522 ×8×26 = 1772576 FG
Nouveaux entrants (5685 FG ) /mois 5685 ×8×26 = 1182480 FG
La mort lente assurée de la pêche traditionnelle
Le surnombre de bateaux de pêche étrangers dotés de moyens plus puissants, prive nos pêcheurs traditionnels des quantités qu’ils avaient l’habitude de pêcher, et les conduit tout droit vers une inéluctable paupérisation. En écoutant les causeries entre pêcheurs à Boulbinet, Corontyn, Boffa, Boké et ailleurs, on se rend compte de l’ampleur et de la gravité des risques qu’ils encourent.
La pollution de l’environnement.
D’énormes nuages de poussières résultant de l’exploitation des zones de production minières en Guinée enveloppent nos villes et campagnes, polluent nos cours d’eau, anéantissent de nombreuses cultures vivrières ou maraîchères durant leur période de floraison ou de fructification (une enquête rapide menée auprès de quelques groupements maraîchers dans les préfectures de Boffa, de Boké ou Fria, permettrait de se rendre compte de l’ampleur de ce désastre), menacent la santé de nos populations, sans que cela n’émeuve véritablement les gouvernants, encore moins des partenaires cupides à la recherche d’un gain rapide et facile.
Dénonçons au passage ces nombreuses unités industrielles appartenant à des indopakistanais ou à des prête noms guinéens et qui , par leurs actions néfastes, contribuent également à la dégradation de l’environnement et des conditions de travail.
Si cette douloureuse et dangereuse situation perdure, nul doute que la sécheresse, la famine et les maladies respiratoires qui seront le quotidien de nos populations impuissantes, finiront par les décimer lentement, mais surement.
Les bas salaires et la maltraitance pour les travailleurs africains.
Hormis une minorité se résumant à l’élite africaine de certaines de ces entreprises, l’écrasante majorité des travailleurs ne bénéficient pas de prise en charge médicale et s’obligent à accepter des salaires de misère , juste pour éviter les cris et les pleurs de leurs enfants tenaillés par la faim, en rentrant le soir dans leur famille. Aucune perspective d’amélioration sérieuse de leurs conditions de vie ne pointe à l’horizon, malgré l’augmentation vertigineuse des volumes exportés.
« L’invasion’’ chinoise
Aux dires de nombreuses personnes, sous le couvert des entreprises minières, des milliers de ressortissants chinois , plus de 30000 (trente milles) aux dires de certains, dont beaucoup sans permis ni contrat de travail, souvent inconnus ou peu connus des services de sécurité, envahissent nos villes et campagnes.
Dans une illégalité à ciel ouvert encouragée par une impunité totalement incompréhensible, ils accaparent nombre de boulots revenant d’ordinaire aux populations autochtones :cultures maraîchères, pêches artisanales et semi artisanales, petit élevage, conducteurs de camions ou autres engins de mine ne requérant aucune qualification particulière ; nous ne devrons point nous étonner alors de les voir concurrencer demain, et même supplanter nos braves femmes comme vendeurs au détail de piment , tomate, concombre ,poulets, ainsi qu’on a pu le constater par exemple dans un documentaire sur la Zambie, diffusé par France 24.
Le danger d’une telle situation est que dans un temps moins lointain qu’on ne pourrait l’ imaginer , si l’on y prend garde, une proportion non négligeable des populations africaines, et particulièrement guinéennes, pour ne parler que de notre pays, courent le grave risque de ne plus pouvoir travailler pour elles mêmes ; irrémédiablement condamnées à jouer des rôles de simples supplétifs, ou de main d’œuvre bon marché pour ces nouveaux« conquérants’ ’venus de l’empire du milieu ; ainsi et malheureusement, sans en avoir forcément conscience, nous ouvrons le chemin à une nouvelle forme de« recolonisation ‘’du continent, sous le couvert d’une prétendue coopération égalitaire et mutuellement avantageuse, qui n’en est cependant véritablement pas une.
Face à ce péril à la fois financier , social et écologique aux conséquences incalculables pour le pays, que doit faire notre gouvernement ?
Se doter urgemment d’instruments modernes capables de déterminer la qualité et la quantité de minerais à exporter pour ne pas continuer à se laisser flouer par des partenaires sans scrupules.
être moins obsédé par la multiplication des tonnages à exporter, et procéder à un audit sans complaisance de l’impact de cette production sans cesse à la hausse, au plan environnemental, social et de l’ amélioration des conditions de vie et de travail des employés guinéens, conformément aux normes prescrites par nos lois.
Ramener à des niveaux raisonnables le nombre de personnes étrangères, non membres de la Zone CEDEAO ,entrant dans le pays sous couvert de projets aux impacts peu visibles, et qui se livrent en réalité à des activités devant revenir normalement aux nationaux et aux ressortissants de la CEDEAO.
Maintenir dans des limites acceptables le nombre de bateaux de pêche modernes et semi modernes étrangers, afin d’ éviter l’ asphyxier des pêcheurs nationaux.
Organiser ces pêcheurs traditionnels en groupements à doter en moyens de pêche plus performants.
Sanctionner sans la moindre faiblesse toutes sociétés défaillantes : chinoises, russes ou autres , qui continueraient à persister dans leurs attitudes actuelles de non respect de nos lois, attitudes qui ne pourraient conduire qu’à un désastre à la fois écologique et humain.
Exiger une juste rémunération de nos ressources et le respect strict de toutes les obligations auxquelles ces sociétés sont assujetties.
Veillez à une juste et rationnelle utilisation des fonds générés par le FODEL (Fonds de développement) et l’ANAFIC (Agence Nationale pour le Financement des Collectivités ) dont la mauvaise gestion est un secret de polichinelle.
Exiger l’africanisation des postes de travail qui peuvent être tenus par des guinéens ou des africains, afin d’éviter que notre pays ne devienne le déversoir des chômeurs sans qualification en provenance des pays de nos partenaires. Comment comprendre par exemple, qu’ au niveau de certaines sociétés minières ,des étrangers, non ressortissants de la CEDEAO, soient recrutés pour assumer le rôle de « flag man’’, c’est-à-dire des gens qui ne sont là que pour lever ou baisser simplement le drapeau pour réguler le passage des trains ou des camions ?
Ne pas succomber au vertige des chiffres mirobolants de croissance publiés par certaines institutions, chiffres qui ont, pour le moment, très peu d’impact sur le panier de la ménagère et sur l’amélioration des services sociaux de base de la grande majorité de nos populations (eau, électricité, éducation, santé, routes …etc.) .
La clé d’un développement harmonieux et équilibré, gage de paix et de tranquillité pour tous, est à ce prix .
Kobè Séré