Censure

Après l’Opposition, Bah Oury écrit à son tour à François Hollande et…accuse Alpha Condé

Bah Oury

Monsieur le Président de la République, Vous vous apprêtez à fouler le sol guinéen le 28 novembre prochain. Le peuple guinéen est honoré par votre visite et vous souhaite un agréable séjour en Guinée. Nous saluons votre initiative de vous rendre à Conakry dans un élan de solidarité et de compassion à l’égard d’une population particulièrement affectée par la propagation de la fièvre hémorragique Ebola. Nous savons également que le Chef de l’Etat guinéen M. Alpha CONDE présentera votre venue comme le couronnement du « soutien  de la France » à sa politique.

Monsieur le Président de la République

Vous avez certainement connu sur les bords de la Seine, l’actuel Président guinéen, qui était auréolé d’un prestige de leader pan-africaniste du mouvement estudiantin africain en France. Vous l’avez également soutenu lorsqu’il a été embastillé en 1998 par le régime du Général Lansana CONTE. Le Président CHIRAC lors de sa visite officielle en Guinée en 1999, avait expressément demandé à son homologue guinéen de l’époque de libérer celui qui a été pris à Piney en Guinée-Forestière à la frontière ivoiro-guinéenne. Au nom des droits de l’homme, l’incarcération de M.Alpha CONDE était injuste et c’est la raison pour laquelle les démocrates du monde entier l’avaient soutenu à juste titre. Son long cheminement politique dans l’opposition avait laissé croire qu’il aurait pu incarner à la tête du pays, l’espoir de toute la Guinée pour un changement en profondeur de la gouvernance.

Monsieur le Président de la République

La Guinée compte officiellement à ce jour près de 1300 morts de la fièvre Ebola. Les chiffres réels avoisinent plus du double, selon des estimations de l’OMS. Cette épidémie a commencé en décembre 2013 en Guinée-Forestière et n’a été déclarée qu’à la fin du mois de mars 2014. Un temps précieux a été ainsi perdu pour stopper sa propagation. La réaction gouvernementale et notamment celle de son chef a été contre-productive. L’ONG Médecins sans Frontières a été injustement accusée par M.Alpha CONDE «  de faire un tapage médiatique pour seulement récolter des fonds». Les autorités guinéennes ont fait preuve d’un laxisme coupable dans la lutte contre la propagation de la fièvre hémorragique. Ces manques de sérieux et de sens de responsabilité ont exposé à la contamination la population guinéenne et celles des pays voisins. Le résultat est hallucinant: des milliers de morts, des millions d’individus « stigmatisés » de par le monde, des économies nationales ravagées et des perspectives de développement anéanties. Monsieur Alpha CONDE porte une large part de responsabilité de ce désastre, à cause de la tiédeur de sa riposte contre l’Ebola. Pire, la récente disparition d’une glacière contenant des échantillons des secrétions d’un cas suspect d’Ebola sur la route Kankan-Kissidougou le 17 novembre dernier à la suite d’une agression perpétrée par des coupeurs de route est symptomatique de la gravité de la situation. Comment convoyer par un bus rempli de voyageurs, un récipient contenant des virus d’Ebola ? C’est comme si une bombe atomique est mise entre les mains de jeunes garnements. Cette négligence frise une irresponsabilité criminelle, surtout dans un contexte d’insécurité d’une zone sahélienne en proie à tous les trafics.

A cet égard, nous vous réitérons nos remerciements pour les multiples initiatives que vous engagez de concert avec la communauté internationale en faveur des pays sinistrés d’Afrique de l’Ouest pour éradiquer la propagation de la fièvre hémorragique Ebola dans cette partie du monde.

Monsieur le Président de la République

La situation des droits de l’homme est aussi sombre qu’aux périodes les plus tourmentées de l’histoire de la Guinée. Actuellement, croupissent en prison depuis plus de trois ans des détenus politiques, des civils et des officiers militaires et parmi eux une dame Madame Fatou Badiar. Leur crime est d’avoir très tôt marqué leur défiance à l’égard d’un Chef de l’Etat qui a publiquement proclamé «  de ramener la Guinée, là où Sékou TOURE l’avait laissée ». A la parole, il a joint les actes en remettant au goût du jour «  le complot permanent » pour éliminer les adversaires et les concurrents politiques.

Les assassinats ciblés contre des figures marquantes de l’opposition, comme le Président de la section des motards de l’UFDG, El hadj Amadou Oury DIALLO le 16 septembre 2014 sont les nouvelles méthodes de la violence d’Etat. La sous-préfecture de Womey à Nzérékoré a été le théâtre d’un horrible massacre d’une dizaine de personnes le 17 septembre de cette année. Jusqu’à présent aucune indication crédible ne situe les véritables responsables de ce drame. Malgré tout près d’une centaine de paysans sont incarcérés attendant un jugement dont la sentence est déjà écrite, car leur sort est déjà scellé par les autorités guinéennes. L’absence d’une justice indépendante, équitable et respectueuse du droit des prévenus génère des frustrations collectives qui alimentent la haine et les replis identitaires.

 

La culture de la haine dans le pays a atteint un seuil très préoccupant. En juillet 2013, la région de la Guinée-Forestière a été en proie à des affrontements meurtriers inter communautaires qui furent des centaines de morts selon un rapport des Nations-Unies. En août 2012, suite à une revendication pour l’embauche de leurs enfants dans la mine locale, le village de Zogota en Guinée-Forestière a été investi en pleine nuit par les forces de l’ordre pour y perpétrer des crimes odieux. En effet sept paysans dont le chef de village et le doyen de la localité furent sauvagement tués. A ces massacres s’ajoutent ceux de la soixantaine de jeunes militants de l’UFDG de la commune de Ratoma au cours de ces trois dernières années dans le cadre des manifestations pacifiques de l’opposition.

Cette atmosphère délétère est entretenue par les déclarations ambiguës de votre homologue guinéen traitant « la Cour Pénale Internationale  de justice des blancs » et selon lui  les crimes du 28 septembre 2009 avec prés de 200 personnes tuées et plusieurs dizaines de femmes violées doivent être purement et simplement « pardonnés ». Ces femmes sont aujourd’hui stigmatisées, abandonnées à elles-mêmes et meurtries dans leur chair. Ce contexte d’impunité institutionnalisée encourage les tueries d’aujourd’hui et celles de demain.

Monsieur le Président de la République

La décision du Chef de l’Etat guinéen d’intégrer dans le corps des gardes forestiers, des centaines de donzos qui en réalité constituent sa milice, rappelle les précédents dangereux du Libéria, de la Sierra-Léone et de la Côte-d’Ivoire pendant les guerres civiles. Les « chasseurs traditionnels » ont peu ou prou été impliqués comme mercenaires dans les conflits fratricides qui ont ensanglanté ces pays. Ces raisons suffisent pour s’inquiéter de leur transformation en gardes forestiers, armés et disséminés sur l’ensemble du territoire.

Dans la même logique, les autorités guinéennes ont encouragé la création et le développement d’une organisation de type ethnocentrique « le manden -djallon » pour diviser et opposer les ressortissants de la région du Fouta-Djallon. Cette politique entretenue de manière souterraine par les autorités de l’administration du territoire a mis en ébullition cette semaine, la préfecture de Lélouma où les forces vives de la localité sont mobilisés pour exiger le remplacement du préfet. La « rwandisation » du Fouta est la logique poursuivie.

Monsieur le Président de la République

Le niveau de pauvreté s’est aggravé depuis l’arrivée au pouvoir de M. Alpha CONDE. Prés de 60 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Malgré l’afflux massif de capitaux en 2011 avec plus d’un milliard de dollars US provenant du secteur minier dont 700 millions seulement de Rio-Tinto et l’annulation de la dette guinéenne en septembre 2012 à hauteur de 2,3 milliards US grâce au mécanisme de l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, la situation sociale ne s’est pourtant point améliorée. Les espoirs d’un décollage économique de la Guinée se sont ainsi évanouis du fait de l’affairisme qui a gangrené l’entourage présidentiel. Les intérêts fondamentaux du pays sont abandonnés comme l’usine d’alumine de Fria, la rénovation de la voie ferrée Conakry- Kankan par le groupe brésilien VALE, l’exploitation du bloc 1 et 2 du Simandou par BSGR, la gestion transparente, équitable et concurrentiel du Port Autonome de Conakry et la création d’un secteur privé ouvert et compétitif.

Les secteurs de l’électricité et de l’eau, indispensable à la vie et au développement économique engloutissent des sommes faramineuses sans pour autant que les besoins primaires des populations ne soient satisfaits. Dans ce contexte il n’est pas étonnant que des cargaisons de devises en partance pour alimenter les comptes ouverts dans les paradis fiscaux soient interceptés à l’aéroport de Dakar. En effet les détournements des deniers publics est le fléau qui expliquent les manques d’infrastructures de bases et qui ronge jusqu’à la moelle l’ensemble de la société. Le peuple guinéen aspire au progrès, au bien-être et à la modernité comme tous les peuples du monde, mais ses dirigeants qui sont de véritables prédateurs, constituent de sérieux obstacles.

Monsieur le Président de la République

Nous vous réitérons nos remerciements pour vos efforts personnels pour la restauration de la paix et de la stabilité au Mali et en Centrafrique. La France, est ainsi appelée au secours par des peuples en détresse alors que leurs dirigeants étatiques du fait d’une très longue mauvaise gouvernance les ont plongé dans la misère, l’insécurité et la guerre. Nous craignons fort, que les efforts de la communauté internationale pour parvenir à la stabilité et à la paix en Afrique de l’Ouest ne soient balayés par l’approfondissement de la crise en Guinée qui pointe à l’horizon. Ce scénario catastrophe pourrait ne pas être une fatalité , si de véritables et profondes mesures allant dans le sens de la réconciliation nationale , le respect de la primauté du droit et le changement de la gouvernance sont entreprises avec détermination.

Nous espérons vivement que votre visite à Conakry, puisse contribuer positivement à faire prévaloir les valeurs universelles de solidarité, de progrès, des droits de l’homme et de démocratie en Guinée qui est demeurée longtemps marquée par le non-développement et les tragédies.

KO SADHI !KO TOOLI !*

KAPA LOUYOU !*

WONOUWALI !WONOUSENE !*

ANICE ANIBARA !*

 

BIENVENU (en pular, guerzé, soussou et maninké)

 

Le 26 novembre 2014

BAH OURY

Ancien Ministre de la Réconciliation Nationale et de la Solidarité

1er Vice-Président de l’UFDG

Exilé politique en France

 

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