Le 17 février dernier, le procureur spécial près la cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), Aly Touré, a transmis au directeur central des investigations judiciaires de la gendarmerie nationale pour « enquête et procès-verbal, la liste des membres du gouvernement déchu après les évènements du 5 septembre 2022, contre lesquels il existe les indices sérieux d’avoir commis les infractions de :
- Détournement de derniers publics ;
- Enrichissement illicite ;
- Blanchiment d’argent ;
- Corruption et complicité. »
Par cette lettre, le procureur Touré a demandé d’interpeller les intéressés sur les faits mis à leur charge, dresser un procès-verbal et lui communiquer la procédure.
Ainsi, les 37 chefs de départements du gouvernement Kassory sont par petits groupes, convoqués à la gendarmerie. Et la ronde a commencé lundi dernier avec Kassory lui-même.
Après de longues heures d’interrogations ; plutôt de recherches de casseroles, les anciens ministres de la première cohorte sont rentrés à la maison en attendant d’être rappelés.
Si lutter contre le détournement de derniers publics, la corruption, l’enrichissement illicite, etc., est plus que salutaire, les ambitions du CNRD dans ce sens risquent de s’émousser en faisant croire que tous les ministres du dernier gouvernement d’Alpha Condé sont présumés coupables.
Faut-il prendre pour argent comptant les délations, les fausses informations, des membres de nombreux cabinets ministériels actuels qui, le plus souvent cachent leurs lacunes en chargeant ceux qu’ils ont remplacés ? Ceux-là désactivent l’aimant de la boussole qui aurait dû servir la justice pendant la transition.
Question : Est-ce un délit d’être nommé par décret pour ses compétences ?
Se fourvoyer dans les procès d’intention, les jugements paresseux et autres préjugés tout droit sortis des cafés de quartiers malfamés, peuplés d’« intellectuels » servant à qui mieux mieux des lieux communs, ne permettra jamais de sortir la Guinée de l’ornière. S’il faut toujours tout recommencer à zéro, sans discernement, il sera difficile d’amorcer la marche en avant de ce pays qui en a marre des démagogues.
Il est facile de clamer urbi orbi qu’on est les seuls « honnêtes », en se fondant sur ses propres critères épars, acquis au bout d’un parcours du combattant où la frustration née des raccourcis qu’on s’imagine quand on n’a pas la main à la pâte, quand on n’est pas au pied du mur où les gens d’expérience savent reconnaître les vrais maçons.
Une justice d’accusation (sans preuve concrète) ne saurait être qualifiée de justice. C’est tout au moins un autodafé digne des périodes les plus révolues. C’est là toute la différence qu’on peut noter entre une société ambitieuse, harmonieuse et sereine, prônant de vraies valeurs, et une nation qui recherche tellement ses repères qu’elle en vient à se chercher des alibis, des boucs émissaires. Les plus naïfs croiront sans doute à la « sincérité » de la démarche du procureur. Mais personne ne pourra interdire aux plus avertis, surtout dans un contexte de transition, de penser que quelque part on veut gagner (inutilement) du temps. Et faire de la chasse aux sorcières. Dans cette hypothèse, on craint un retour en arrière et une activation des vieux démons qui, par le passé, ont secoué ce pays.
Qu’on se le tienne pour dits : ce qu’on tente par tous les moyens de reprocher à ceux qui ont géré le pays sous Alpha Condé sera exactement ce qu’on dira des membres du gouvernement actuel après la transition. A coup sûr !
Par Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com