Dans ma passion pour les livres, je n’arrête pas de rédiger mes prises de notes et impressions et de les partager avec d’autres lecteurs sous la forme de notes de lecture publiées dans la presse. C’est dans l’exercice de cette passion que je me rends ce lundi 24 novembre 2014 au centre culturel libyen sis à Kaloum pour relever l’adresse bibliographique d’un ouvrage que j’y ai lu il ya une trentaine d’années.
- Je voudrais consulter le titre ‘’ Kadhafi, messager du désert’’ de Mireille Bianco’’, dis-je au bibliothécaire.
- Désolé Monsieur, ce livre n’est plus là, me répond-il. Après la chute de Kadhafi en Libye, tout ce qui a trait à lui ou à son régime a été retiré du centre, regardez vous-même, ses effigies ont disparu.
Ce constat me déçoit mais ne me surprend pas, il me rappelle ce qui s’est passé en Guinée en 1984 à la prise du pouvoir par l’armée. Les œuvres politiques et littéraires du Parti Démocratique de Guinée ont subitement disparu de la circulation, on raconte même que plusieurs volumes des fameux ‘’Tomes’’ de Sékou Touré avaient été entassés et brûlés à l’imprimerie nationale Patrice Lumumba.
Le pillage des œuvres laissées par un régime dictatorial est un acte déplorable mais compréhensible. La rage de répulsion des populations sortant d’un long règne d’immobilisme et de répression ne fait pas de quartier, elle casse et brûle tout, elle jette, comme on dirait, l’eau du bain avec le bébé. Il est souhaitable que dans de telles circonstances les nouvelles autorités prennent des dispositions pour sauvegarder l’essentiel, pour limiter les dégâts.
C’est le lieu de s’interroger sur le statut de la culture sous un régime despotique. Tout semble évoluer à merveille, la culture fait partie des priorités du despote. Pour le cas de la révolution guinéenne, les manifestations culturelles étaient l’affaire de tous, depuis le plus petit village jusqu’au sommet de l’Etat. Les festivals se succédaient sans répit, les artistes rivalisaient d’imagination et d’ardeur, ils décrochaient des palmes aux plans national et international. Seulement la presque totalité des œuvres était moulée dans un corset idéologique qui ne souffrait pas la critique, c’était le règne de la pensée unique. Toute pensée libre ne pouvait s’exprimer qu’au-delà des frontières du pays. Madame de Staël, femme de lettres française du XIXè siècle, avait raison de dire que « les despotes trouvent toujours les penseurs de trop dans leurs affaires. »
Et si les dictateurs, sous tous les cieux, apportent tant de soins au secteur culturel, c’est l’un d’entre eux qui en donne la raison profonde : « Les peuples se plaisent aux spectacles, par là nous tenons leur esprit et leur cœur. »
Mais en dépit des horreurs que lèguent les tyrans, il y a lieu de protéger les objets de culture même médiocres, c’est des constituants de la mémoire des peuples donc du patrimoine universel.
Walaoulou Bilivogui