Censure

Abdourahamane Baldé président des jeunes leaders de Guinée : ‘‘La société civile est divisée et fragile’’

Abdourahamane Baldé, le président des jeunes leaders de Guinée, a, dans un entretien accordé à notre reporter, dépeint la société civile guinéenne. Selon lui, elle est incapable devant les hommes politiques à qui il demande d’honorer leurs engagements, au risque de perdre leur crédibilité. Entretien.  

M. Baldé, quel regard portez-vous sur la discorde entre la mouvance et l’opposition républicaine?

Abdourahamane Baldé : Cette situation nous déshonore. Il y avait vraiment une situation extrêmement compliquée. Le schéma était tel que, il y a eu une manifestation qui a abouti à un dialogue à l’issue duquel il y a eu un accord politique. Aujourd’hui, on a tendance à modifier tout ça sans avoir un objectif clair pour le peuple de Guinée. Ce qui est grave, le débat en soi n’est pas mauvais en démocratie parce que la démocratie, c’est une discussion, c’est une contradiction d’idées et d’opinion. Ce qui est mauvais, c’est d’aller vers un débat sans aucun objectif prévisionnel, où avec un objectif qui n’arrange qu’un individu au détriment du peuple, ce qui est extrêmement grave.

Il y a une situation qui risque d’arriver à ce pays qui va être très difficile. Nous n’avons pas des moyens suffisants pour organiser les élections, compte tenu du fait que la gestion des ressources de ce pays a toujours été reprochable parce qu’en réalité, les Guinéens ne devraient pas souffrir en Guinée.

Qu’est-ce qu’on peut attendre de vous en tant que société civile ?

La société civile est divisée, elle est fragile. C’est une société civile qui a la corde pour tirer les gens vers le bas, mais qui n’a pas d’échelle pour aider les gens à aller vers le haut.

Si aujourd’hui nous sommes devant cette situation, c’est que la société civile ne vaut rien devant les hommes politiques. C’est tout, c’est parce que nous-mêmes, on ne s’est pas arrogé des valeurs. Nous-mêmes, on ne se met pas ensemble dans une salle pour réfléchir et  proposer des alternatives. Nous  ne sommes pas unis. Nous jouons à la politique. Tout est politique en République de Guinée.

Ce qui fait que le niveau de la production du pays est devenu très faible, pour ne pas dire nul. Les exportations sont très faibles. Nous ne comptons que sur nos richesses naturelles. Nos richesses minières, aujourd’hui, il n’y a rien que nous proposons à l’humanité si ce n’est du bruit. Ce qui fait que nous ne parvenons pas à sortir notre pays dans la misère.

Il y a tous les symptômes de la crise qui s’installent. On va vers un schéma tel que l’opposition va demander au président de la République d’organiser les élections conformément au code électoral, en vigueur si la loi-là ne passe pas à l’assemblée nationale. Mais qu’est-ce qui va se passer, la CENI dira qu’elle n’a pas les moyens d’organiser  également les élections dans tous les quartiers.

Alors, il y aura des manifestations, et en cas de manifestation, ce sont les pauvres guinéens qui vont mourir. Si le président de la République pense que ça l’arrange, ce n’est pas réel. A un moment donné, il risque de ne pas pouvoir maîtriser la situation. Et cette situation risquera de l’emporter. Donc le mieux c’est de faire preuve de bonne volonté.

Pour que ce pays puisse aller de l’avant parce que dans la crise personne ne peut construire et dans l’instabilité personne ne peut bâtir. Donc, la réalité est qu’il faut qu’ils acceptent de réaliser leurs engagements. Ils sont allés à un accord vous et moi on n’était pas là-bas nous étions représentés. Ce sont eux qui nous ont dit qu’ils ont abouti à des accords paraphés par la communauté Internationale, par la société civile représentée. Et cette même société civile qui nous revient avec une autre proposition avec une autre contradiction en disant qu’il y a 2000 ONG et Associations qui ont signé contre les accords. Qu’on nous publie au moins la liste de ces ONG avec leurs signatures contre les accords.

Il n’est vraiment pas intéressant à ce que nous acceptions de plonger le pays dans un cercle vicieux de violences, de haine alors que le monde entier avance. Nous partons de crise en crise, ce qui est déplorable. Je suis tellement choqué de constater que les questions qui devraient nous occuper ne sont pas celles que nous débattons. Comme des questions de développement, de formation, de reformes, de compétitivités mondiale, et de concurrence internationale.

La Guinée est un pays qui n’a même pas de routes. Vous avez des ambassades mieux construites dans notre pays que même le palais présidentiel. Ça n’honore pas notre nation. En réalité, nous ne faisons pas de choix qui peuvent nous faire avancer ;

Qu’est-ce que vous pouvez apporter comme solution dans cette crise en tant que société civile ?

Nous allons faire notre travail. Le travail que nous avons toujours fait. Même si lorsque vous avez un discours indépendant dans ce pays, on a envie de vous détruire. On a envie de vous nuire. C’est ce qui s’est passé. Cette société civile a été détruite depuis longtemps. Donc ce que nous pouvons faire, c’est de rappeler que le président de la République s’était  engagé de respecter et de faire respecter les accords, d’exhorter le président de la République de nous aider parce qu’il est le Chef, le guide de ce peuple. C’est lui qui détient le volant du véhicule Guinée. C’est à lui de nous mener sur le bon chemin.

Donc, la violence ne nous aidera pas. Le rapport de forces ne pourra pas nous aider. Notre statuquo ne pourra pas nous aider. De crise en crise,  la Guinée ne pourra pas se construire et je l’invite  à prendre la hauteur dans l’intérêt de ce peuple affamé. Informer le président de la République qu’il y’a des Guinéens qui ne mangent pas, qui n’ont pas trois plats par jour.

Il y a des millions des jeunes de ce pays qui n’ont pas d’emplois. Il y a des milliers et des milliers des ouvriers qui n’ont absolument rien. Aujourd’hui, lui-même, il dénonce en longueur de journée le taux d’intérêt des banques très élevé. Donc, c’est à lui de faciliter la vie des Guinéens parce que si lui-même, il constitue un frein et attend que ça crache pour tirer le rapport de force pour qu’il agisse, je pense qu’on perdra le temps, et après c’est des Guinéens qui sont sacrifiés.

Ce n’est pas juste qu’on attende que les gens meurent pour convoquer un dialogue. Donc nous comptons vraiment sur le président de la République pour qu’il accepte de faire bouger le statuquo. C’est ça un leader. Le leader n’est pas celui qui va accepter de maintenir le pays dans la merde.

Il veut être le président de l’Union Africaine, ça nous fera plaisir nous les acteurs de la société civile. Si jamais un président guinéen parvient à être président de l’Union Africaine, ça nous fera plaisir mais encore qu’il laisse la paix dans le pays, qu’il laisse la Guinée en train de se construire pour aller être président de l’UA.

Nous invitons l’ensemble des Guinéens de mettre en avant l’intérêt de ce pays. C’est la paix qui va nous rassembler.

Entretien réalisé  par Alpha Amadou Diallo                                          

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