Alpha Condé prête serment aujourd’hui pour un « troisième mandat ». Il a promis de « gouverner autrement » pour ce nouveau mandat. En français, facile, cela signifie lutter contre le détournement des derniers publics, la corruption, l’impunité, etc. Mais que pensent les Guinéens de ce « projet de de société ». Ci-dessous notre panel.
Mohamed Lamine Diallo (Labé) : « Alpha Condé a dirigé le pays pendant 10 ans. Le changement qu’il n’a pas pu apporter pendant ces 10 ans, ce n’est pas maintenant qu’il pourra le faire. Ensuite, la lutte contre la corruption dont il parle, ce n’est que de la poudre aux yeux des Guinéens, sinon, nous avons connu les dossiers de détournement à l’OGP (Office guinéen de publicité, ndlr) et l’OGC (l’Office guinéen des chargeurs, ndlr), mais il n’y a eu aucune suite favorable. Donc, pour ma part, quand il parle de changement ou de la lutte contre la corruption, je suis plus que pessimiste. »
Mamadou Yacine Diallo, commerçant (Labé): « Alpha Condé a la meilleure opportunité devant lui pour prouver aux Guinéens qu’il est prêt à lutter contre la corruption et les détournements avec le dossier Nabayagate. Mais c’est juste des paroles en l’air, sinon c’était là une bonne occasion de convaincre les Guinéens les plus sceptiques comme moi ; mais hélas ! »
Mamoudou Camara (Labé): « Si Alpha veut réellement lutter contre la corruption et les grands détournements, il pourra, mais je pense qu’il n’est pas encore prêt. Aujourd’hui, moi je me demande où en sommes nous avec la déclaration des biens des ministres et des responsables des régies financières ? Tout ce que le président dit, ce sont des belles paroles qui, malheureusement, ne seront pas appliquées. »
Mamadou Hady Baldé, sociologue : « Dire qu’il va gouverner autrement, le premier message qu’il veut ressortir de ça, c’est un aveu comme pour dire que dans la gouvernance antérieure, il y a eu beaucoup de failles. Beaucoup de problèmes qui n’ont pas été résolus, beaucoup de difficultés. Donc, s’il dit qu’il va gouverner autrement, c’est que lui-même d’abord il est conscient que la gouvernance qu’il a eue à instaurer pendant les 10 dernières années n’a pas été vraiment la bonne gouvernance pour le pays. Donc, c’est pourquoi il est venu avec ce nouveau slogan. Mais là, on se pose la question : autrement comment ? Est-ce que ça va être pire que la dernière gouvernance ou est-ce que ça va être plus souple que la dernière gouvernance ? En tout cas on se pose des questions. De toute façon, il ne m’inspire pas confiance, ne m’inspire pas espoir encore moins une certitude. Je pense que c’est des mots juste qui sont placés pour un peu amadouer la conscience de la population enfin de parvenir à son objectif qui est de briguer le troisième mandat. Ce qui est déjà… Je n’attends pas qu’il y ait de la nouveauté. Après 10 ans, ce qui n’a pas pu faire marcher, ce n’est pas maintenant que les choses peuvent changer favorablement. Je me dis juste que c’est des mots pour divertir les gens. »
Anonyme : « ‘‘gouverner autrement’’ n’est qu’un moyen pour berner le peuple. Parce que le président de la République, a eu 10 ans, pendent deux mandats, il aurait ‘‘gouverné autrement’’. La gouvernance qu’il n’a pas pu faire durant deux mandats, ce n’est pas pendant le troisième mandat qu’il fera. »
Morciré Camara, diplômé en journalisme et communication : « D’abord la première question qu’on doit se poser c’est de savoir de quelle gouvernance le président d’Alpha Condé veut parler exactement ? Si on sait bien qu’il a gouverné ce pays pendant 10 ans, rien n’a changé. C’est toujours la même chose. C’est seulement le les termes du slogan qu’il a changés. Sinon il disait le ‘‘changement’’ ; mais rien n’a changé dans ce pays en termes de bonne gouvernance. Maintenant, il a déjà le troisième mandat, comme ils le disent, 1er mandat de la 4ème République et s’il nous sort encore ce slogan de ‘‘gouverner autrement’’, peut-être qu’il va augmenter la gabegie financière ou peut-être qu’on va assister à une scène de tohu-bohu où les règles, les lois du pays seront sabotées. En tout cas au moment où il a dit cela, nous avons assisté à un possible détournement au sein de son gouvernement. Qu’est-ce que ça donné, peut-être que ça va tourner vers les journalistes pour les faires taire. Donc, peut-être gouverner autrement c’est faire taire les journalistes. C’est-à-dire que les journalistes doivent faire beaucoup attention, ne doivent pas dénoncer la mauvaise gestion, la gabegie financière dans le pays. C’est peut-être ça, gouverner autrement. »
Mohamed, moto-taxi, Kaloum : «Nous aurons du mal à avancer. Vous avez un président qui a fait 10 ans déjà, vous n’avez vu aucun changement ; que de difficultés ! Comment vous pouvez penser à un quelconque changement ? Il y aura le même gouvernement. C’est juste certains qui vont changer de postes.»
Abdoulaye Camara, fonctionnaire : « Gouverner autrement, je pense que c’est un très bon slogan. C’est juste que ça ne doit pas être juste un mot. Mais cela doit se matérialiser par des actes que le président doit poser. Parce que selon moi, gouverner autrement, c’est une façon de changer la façon de faire et du président, des ministres, des directeurs, jusqu’aux citoyens lambda. Donc si le président décide de gouverner autrement avec ce premier mandat de la quatrième République, on s’attend à beaucoup de choses. ‘‘Gouverner autrement’’, veut dire que le président doit nommer les cadres en fonction de leurs compétences. Et non parce que ces cadres ont mouillé le maillot pour le parti. ‘‘Gouverner autrement’’ aussi, c’est à mon avis, le changement de comportement des citoyens guinéens. Puisque même si le président a la volonté de bien gouverner le pays, si nous citoyens ne changeons pas de comportement, cela ne va pas se répercuter sur tout ce que le président va poser comme acte. Donc, le président doit éviter d’employer de simples mots pour les maux, mais plutôt les mots pour les actes. »
Amara Bangoura, jeune entrepreneur : « ‘‘Gouverner autrement’’ et la gouvernance qu’il fait aujourd’hui, rime à la même chose. Je ne sais pas quand il dit ‘‘gouverner autrement’’ à quoi il fait référence. Peut-être que selon sa vision, il est venu faire ce qu’il veut. Ou peut-être faire quelque chose afin que tous les Guinéens se sentent mieux. On sait tous ce que le Guinéen est en train d’endurer aujourd’hui. C’est le pire depuis que la Guinée est la Guinée. Il dit qu’il faut qu’il y ait la paix sociale pour que tous les Guinéens se sentent chez eux. Qu’il y ait du travail. A mon avis, je ne crois pas qu’il puisse faire comme il le dit. Parce que pour ‘‘gouverner autrement’’, il faut que le président lui-même change sa mentalité. Si lui-même, a une idée en tête par rapport à certaines personnes, ça ne peut pas marcher. S’il doit le faire, il doit nettoyer toute la maison. Que ce soit ses proches, dans son parti, mais aussi au sein du gouvernement. Parce qu’on sait aujourd’hui que l’administration guinéenne est tordue. Donc c’est à ce niveau que la bonne gouvernance doit commencer avant de se répercuter sur la population.»
Mohamed Sayon Bangoura, chimiste : « « Gouverner autrement » annoncé par le Pr. Alpha Condé, ça sera de la pure dictature de la part de ce président de la République qui nous a déjà imposés son troisième mandat. Et durant les 10 dernières années qu’il a passées à la tête du pays, nous n’avons rien vu de concret, si ce n’est le favoritisme, la corruption, les mêmes têtes qui reviennent dans son gouvernement et ainsi de suite. En gros, je serais vraiment surpris à plus d’un titre de voir le président gouverner autrement dans ce pays. »
Lamine Diallo, agent de développement: « « Gouverner autrement », c’est possible. Mais je me dis qu’il faut que les bases de cette gouvernance soient réellement posées. Qu’on ne se contente pas seulement des mots, il faut qu’il y ait aussi de l’application dans ce qu’on dit dans le sens de la gouvernance. Pour parvenir à ‘‘gouverner autrement’’ en Guinée, il faut d’abord essayer de changer la donne. Parce qu’on ne peut pas s’attendre à un résultat nouveau en faisant la même chose, c’est à dire qu’il faut faire les choses autrement. Dans ce sens, je me dis qu’il faut beaucoup plus mettre en pratique les politiques édictées par le président de République. Quand il dit par exemple qu’il dédie son mandat aux jeunes et aux femmes, il faudrait que cela soit une réalité. Il faut vraiment recruter des jeunes sur la base de la compétence. En plus on ne peut pas parvenir au changement avec les mêmes personnes, car les mêmes causes produisent les mêmes effets. »
Ousmane Dabo, enseignant: « c’est une annonce qui, davantage, me rassure, bien que nous avons passé 10 ans dans la plus grande corruption et pagaille économique. Mais si durant les 6 prochaines années que le peuple de Guinée lui a octroyées malgré quelques contestations de part et d’autres, le président a jugé nécessaire de « gouverner autrement », c’est que lui lui-même, fait son mea-culpa. Il reconnaît déjà que ce qu’il a fait durant les 10 dernières années, n’était pas l’attente des Guinéens. Donc on lui demande de ne pas continuer à faire des nominations électoralistes. Et s’il a décidé de gouverner autrement, il faut insister sur l’aspect de la lutte contre la corruption et l’injustice dans le pays. Dans un premier temps, il faut faire de la justice, un levier de développement… que la justice soit indépendante, tout en ayant la liberté de fouiller dans toutes les formes de corruption et de détournement de fonds publics et sanctionner les coupables. Et au-delà de tout, il faut qu’il œuvre dans le sens de l’éducation. Parce que tout vient de là, mais malheureusement l’éducation guinéenne est à terre. »
Comme on le voit, le « gouverner autrement » d’Alpha Condé ne semble pas être crédible aux yeux de nombreux Guinéens.
Propos recueillis par Sam Samoura, Mohamed Kaba Soumah, Bhoye Barry et Abdoul Lory Sylla pour Guinee7.com