Censure

Analyse juridique sur la crise politique et proposition de solutions (Par Mamadi 3 KABA, Juriste)

Le chronogramme proposé par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) sur lequel la classe politique est divisée, porte sur  deux scrutins de nature et de portée différente. Le premier scrutin qui est présidentiel est une élection nationale. Il est organisé et supervisé par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) sur l’étendue du territoire national et les Ambassades, auquel seuls les partis politiques présentent les candidatures (article 29 de la Constitution) et le contentieux qui peut naître est de la compétence exclusive de la Cour Constitutionnelle (article 94 de la Constitution).         Le second scrutin qui est communal est une élection locale, organisé par les démembrements de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) sur le territoire de chaque Collectivité Locale au nombre de 341 dont 38 communes urbaines et 303 communes rurales (article 19 du Code des Collectivités Locales), en plus des listes présentées par les partis politiques, les candidatures indépendantes sont autorisées (article 115 du Code Electoral) et le contentieux qui peut naître est soumis au Tribunal de Première Instance ou à la Justice de Paix du ressort (article 122 du Code Electoral).

Ceci dit, légalement, aucune chronologie de date pour la tenue de ces deux scrutins ne s’impose, il faut simplement respecter le cycle normal de renouvellement de mandats. Une élection, qu’elle soit nationale ou locale doit être organisée dès lors que le mandat arrive à terme. Exceptionnellement, la Constitution en son article 28 indique que le scrutin pour l’élection du Président de la République doit être tenu 90 jours au plus et 60 jours au moins avant le date d’expiration du mandat du Président en fonction.

En application du principe selon lequel, une élection doit être organisée dès lors que le mandat arrive à terme et vu la date des dernières élections communales (2005) par comparaison à celle de la dernière élection présidentielle (2010), le renouvellement du mandat des autorités  communales doit précéder celui du Président en fonction.

Par dérogation à ce principe et en tenant compte des réalités techniques, financières, sanitaires et autres, un autre principe s’applique, celui de la prorogation des compétences des autorités qui signifie qu’une autorité élue ou nommée, restera en fonction jusqu’à la tenue d’une nouvelle élection ou nomination.

En effet, la question fondamentale qui se pose et qui mérite une analyse juridique soutenue est celle qui porte sur les délégations spéciales. Pour rappel, les délégations spéciales sont au nombre de 28 sur 341 Conseils communaux. Sans évoquer la durée d’exercice d’une délégation spéciale qui est en principe de 6 mois (article 105 du Code des Collectivités Locales), il faut préciser que l’article 80 du Code des Collectivités Locales dispose : « le Conseil d’une Collectivité Locale dont le tiers au moins des membres ont été reconnus coupables par le Tribunal d’avoir commis des crimes ou délits peut être dissous par Décret sur proposition du Ministre chargé des Collectivité Locales». Conformément à cet article, il ressort que les délégations spéciales ont été illégalement mises en place. La légalité d’un acte dépend de sa conformité à la Loi. La pyramide des normes juridiques impose que les Règlements (Décret, Arrêté…) soient conformes à la Loi (Principe de légalité) et que les Lois soient conformes à la Constitution (Principe de Constitutionnalité).

En l’espèce, l’article 80 du Code des Collectivités Locales a été violé par les Décrets qui ont dissous les 28 Conseils communaux, par voie de  conséquence, les Arrêtés de nomination des délégations spéciales conformément à l’article 102 du Code des Collectivités Locales sont illégaux ; ce qui entraine l’illégalité des organes de transition des Collectivités Locales concernées.

Ainsi, dans un contexte d’impossibilité technique, financière et sanitaire d’organiser les élections communales avant la date Constitutionnelle prévue pour la tenue de l’élection présidentielle, l’une des trois solutions est envisageable ; la première pour assoir et imposer le respect de la Loi à tous (gouvernants et gouvernés) car force ne doit rester qu’à elle ; la deuxième pour apaiser et décrisper les divergences, mais aussi préserver la paix, l’ordre et la quiétude sociale et la troisième pour donner aux futurs accords politiques un même sens afin d’éviter les divergences dans l’interprétation. Il s’agit :

  • Le rétablissement des Conseillers communaux illégalement dissous dans leurs fonctions ;
  • Le remplacement des 28 délégations spéciales par des acteurs de la Société Civiles en nombre de 7 membres par Commune (en référence à l’article 103 du Code des Collectivités Locales), choisis par elle sur des critères d’impartialité, de probité morale, de compétence, de responsabilité dans un délai de 15 jours ;
  • La Co signature de tous les accords politiques futurs par la Société Civile.

Pour finir, j’appelle et j’invite tous les acteurs politiques à la retenue, à privilégier le dialogue et à ne penser qu’à la Guinée qui est notre bien et notre héritage commun.

Mamadi 3 KABA, Juriste,

Président de l’Observatoire Citoyen de Défense des Droits de la République (O.C.D.R),

Professeur chargé de cours de Droit Constitutionnel et de Droit des Collectivités Locales.

Tel : 00224 664 408 450 / 622 097 733

E-mail : layemamady3@gmail.com /   observatoirecitoyens@gmail.com

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