Censure

Crise post-électorale/La Guinée dans une impasse politique

L’imbroglio électoral se poursuit en Guinée autour des résultats des élections locales, que l’opposition a rejetés, arguant avoir été grugée dans le décompte des voix. Ainsi, après des passes d’armes à fleurets peu mouchetés entre le pouvoir et l’opposition républicaine, cette dernière a décidé d’user de la rue comme moyen de pression.

Ce jeudi l’opposition républicaine  organise une marche pacifique dans la capitale, pour dénoncer les dérives du régime, et réclamer la prise en compte de ses réserves portées contre la gestion du processus électoral.

Dans ce bras de fer qui s’envenime au fil des jours avec le gouvernement, autour des résultats des élections locales du 4 février, rejetés par Cellou Dalein Diallo et ses pairs, l’opposition  hausse le ton et réclame une enquête internationale pour faire la lumière sur les 94 morts enregistrés lors de ses manifestations, dénonçant une justice « sélective », au niveau national.

Dans une déclaration publiée à cet effet, l’Union des forces démocratiques de Guinée (Ufdg), principal parti de l’opposition, parle d’un  « désordre » qui affecte toutes les sphères de l’État. Concernant le retard mis par la machine judiciaire à se mettre en branle,  sur les 94 assassinats commis lors des marches pacifiques qui ont eu lieu depuis 2011, l’Ufdg appelle à la mise en place d’une commission internationale pour enquêter sur ces meurtres.

L’opposition qui a tenu à rappeler par la même occasion que ‘’la paix sociale est à ce prix, a encouragé dans la foulée les parents des victimes à  saisir la Cour de Justice de la CEDEAO et d’autres juridictions régionales et internationales afin d’y engager la responsabilité de l’État guinéen et le contraindre à assumer ses engagements nationaux et internationaux.’’

Lundi, lors des obsèques des 4 militants tués récemment, Cellou Dalein Diallo a répété la même antienne consistant à pointer du doigt le deux poids deux mesures pratiqué selon lui par la justice dans son fonctionnement. 

« Nous sommes convaincus que les forces de l’ordre ne seront jamais interpellées parce qu’ils ont tué les militants de l’Ufdg, Monsieur Alpha Condé doit se considérer comme le Président de tous les Guinéens et veiller à ce que tous les citoyens de ce pays bénéficient de la protection de l’Etat. On tue, on paralyse, on emprisonne les militants de l’Ufdg, injustement, arbitrairement, il faut qu’on mette fin à ça », a flétri Dalein.

Ajoutant que «le gouvernement ne s’est jamais impliqué, et  n’a même jamais cru prononcer une sanction administrative contre les responsables de la police ou de la gendarmerie, parce qu’on devait les mettre en demeure pour que le lendemain on retrouve les coupables, parce que les ordres sont repartis en termes de responsabilité. Mais nous n’avons entendu aucune suspension, rien de tout ça n’a été fait, encore moins une compassion, c’est devenu insupportable pour les Guinéens attachés à une unité de la nation et de l’égalité des citoyens».

Le chef de file de l’opposition avait saisi cette tribune pour appeler ses militants à la mobilisation pour la série d’actions de désobéissance civile qu’ils s’apprêtaient à lancer, dès le lendemain de cette marche funèbre. C’est ainsi qu’il y a eu mardi une journée ville morte, qui a entrainé la paralysie des activités dans certains quartiers de la ville. Ce mercredi, les femmes  de l’opposition républicaine devaient organiser un sit-in devant le ministère de la Justice pour demander toute la lumière  sur les tueries enregistrés dans les rangs des opposants.

Mais cette manifestation des femmes sera interdite par le   gouverneur de la ville de Conakry, Mathurin Bangoura, qui a motivé son geste par le refus des manifestantes de se plier aux règles  prescrites en la matière. Elles n’auraient pas selon lui,  informer les autorités compétentes de l’organisation de leur manifestation.

Sur les antennes de la radio Fm, dans l’émission « les Grandes Gueules », la présidente des femmes de l’Ufdg,  Hadja Maïmouna Diallo réplique, en parlant  de démarche sélective dans  l’application de la loi qui portant est censée être « impersonnelle. »

« Ce qui est dommage, c’est qu’on ne parle de loi, de principes et de règles que quand il s’agit de l’opposition. Les rues de Kaloum sont actuellement pleines de femmes de la mouvance, là leur marche est autorisée. Tant qu’on ne va pas arrêter ces tueries, on ne va pas s’arrêter non plus. Nous allons désormais écrire dans les règles de l’art, mais je souhaite que tout le monde respecte la loi. Parce que c’est un droit pour les citoyens guinéens de manifester. Si toutes les règles étaient respectées, nous ne serions pas aujourd’hui dans la rue. Si on est dans la rue, c’est parce qu’on tue tous les jours et il n’y a pas de justice. On ne dirait pas qu’il y a un ministère de la justice, on dirait qu’il n’y a d’autorité dans ce pays », a-t-elle dénoncé.

Le dialogue mis à rude épreuve

Cette crise qui ne fait que s’accentuer autour du dernier scrutin électoral, est favorisée par la rupture du dialogue inclusive entre les acteurs impliqués dans le processus électoral. C’est du moins l’avis de biens des gens.

Le président de l’Institution nationale indépendante des droits humains (Inidh), Dr Mamady Kaba, qui ne cache pas  sa préoccupation face à l’exacerbation des tensions dans le pays, a appelé le président Condé et son opposition au dialogue, dans un communiqué publié vendredi.

L’Inidh tout en condamnant  ‘’les morts par balles enregistrées dans la capitale,  a fustigé également les appels à la haine et à la violence lancés sur les réseaux sociaux.’’

Le président de l’Inidh  a exhorté dans la même lancée le président de la République ‘’à tendre, de toute urgence, une main fraternelle au chef de file de l’opposition pour échanger sur la mise en œuvre d’un cadre de dialogue ; et  appelé le chef de l’opposition à saisir la main tendue du président de la République afin de sortir de la crise.’’

Mamady  Kaba a aussi invité  Cellou Dalein Diallo ‘’à  suspendre immédiatement les manifestations pour éviter des confrontations ethniques aux conséquences désastreuses et donner une chance au dialogue. Tout en appelant  la communauté internationale à s’impliquer pour favoriser et faciliter le dialogue et préserver le pays de crises majeures.»

D’autres bonnes volontés ont entamé des démarches visant à rabibocher les  deux camps, en vue d’une décrispation de la tension.

Un remaniement ministériel comme bouée de sauvetage

Pour apaiser le malaise social qui frappe son pays, le président de la République  promet de procéder à un remaniement ministériel. C’est dans cette optique qu’il a entamé  des consultations avec certaines couches socioprofessionnelles, afin de recueillir l’avis des uns et des autres sur l’avenir de la Guinée.

La société civile avec laquelle le président a conféré récemment, a interpellé Alpha Condé sur l’impasse dans laquelle le pays se trouve.

Le président de l’Observatoire de défense des droits de la République, Mamady 3 Kaba, qui était à cette entrevue avec le chef de l’État,  a dans un entretien accordé à votre semainier, révélé que la société civile a interpellé le locataire de sekhoutouréa sur ‘’l’impunité devenue aujourd’hui très  inquiétante en Guinée.’’

« Nous avons interpellé le président de la République,  qu’il fasse encore plus, qu’il soit déterminé encore pour lutter contre cette impunité, pour lutter contre cette corruption. Il y a la corruption, ceux qui se rendent coupables de cette corruption doivent être sanctionnés, sinon ça sera une offense vis-à-vis des populations. »

Le président de la République aurait en guise de réponse,  demandé que la société civile lui fasse parvenir  des preuves des cas de  corruption,  afin qu’il puisse prendre des mesures coercitives contre les mis en cause.

Tous les regards sont dorénavant tournés vers le palais, d’où pourrait provenir d’un moment à l’autre, cette fumée blanche, qui pourrait sauver les Guinéens de l’ornière.

Même si certains observateurs pensent que la solution à la crise guinéenne ne se trouve pas dans un remaniement ministériel. Et qu’il revient simplement au chef de l’État de mettre un terme à sa politique au fil de l’eau.

Dian Baldé (L’Indépendant)

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