Censure

Damantag Camara répond à Mamadou Sylla « Ce n’est pas un choix délibéré de ma part, c’est la réalité des faits qui s’est imposée à nous »

A la 104ème session de la conférence internationale du travail qui s’est tenue le 3 juin dernier à  Genève le ministre du Travail et de la Formation professionnelle, Damantang Albert Camara a eu maille à partir avec Mamadou Sylla du Conseil national du patronat guinéen (CNPG). Celui-ci a en effet accusé celui-là de ne l’avoir pas désigné « Délégué Titulaire des employeurs », parce qu’il n’est pas de la même ethnie que lui. Mais le ministre dans cette interview à bâton rompu, rejette cette accusation et rapporte les faits.

Guinee7.com : Vous étiez à Genève récemment. Dans quel cadre vous y étiez? Qu’a-t-on récolté là-bas ?

Damantang Albert Camara : Le terme « récolté » ne me semble pas approprié. Les conférences du BIT sont des occasions de partage et d’échange sur diverses questions liées au domaine du Travail. La Guinée apporte sa contribution par la présence de ses délégués au sein des commissions qui débattent des thèmes à l’ordre du jour. Cette année il s’agissait de la question des PME et la création d’emplois décents et productifs, la transition de l’économie informelle à l’économie formelle et la protection sociale des travailleurs.

La Guinée a fait valoir son expérience et ses attentes. Nous avons exposé les avancées de notre pays en matière de protection sociale avec la création de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale des Agents de l’Etat et l’Institut National d’Assurance Maladie Obligatoire et nous avons obtenu la promesse du BIT de nous accompagner pour l’opérationnalisation de ces deux structures.

Cet accompagnement va s’ajouter aux engagements du BIT à aider la Guinée dans sa politique de promotion des PME, véritables moteurs de l’économie et créatrices d’emplois. Enfin le BIT va s’associer à l’ensemble des mesures visant à relancer l’économie guinéenne dans sa phase post-Ebola.

On a appris aussi que Mamadou Sylla du Conseil national du patronat guinéen  a porté plainte contre le gouvernement guinéen. De quoi s’agit-il?

Dans sa plainte, Monsieur Sylla accuse le gouvernement d’avoir exclu plusieurs membres de sa délégation de la liste des pleins pouvoirs pour la 104ème session du BIT. Cette accusation est sans fondement dès l’instant où c’est lui-même qui a demandé à ce que ses membres soient retirés de la liste des pleins pouvoirs. Malgré cela nous les avons quand même conservés. Cette année, contrairement aux années précédentes, le nombre de places pour chaque délégation était limité. Il fallait que chaque patronat puisse envoyer ses délégués. Donc toutes les listes (patronats et syndicats) ont été amputées de quelques noms pour rester dans la limitation imposée par le BIT. Monsieur Sylla souhaitait sans doute que seuls ses membres soient inscrits ou qu’ils soient prioritaires ; le principe d’équité ne me le permettait pas.

En plus il vous accuse de népotisme. Quelle est votre part de vérité?

J’ai lu effectivement que Monsieur Sylla me reprochait d’avoir fait preuve de népotisme. Je ne sais pas de quoi il parle. Sans doute qu’il n’accepte pas de ne pas avoir été désigné Délégué Titulaire des employeurs.

Ce n’est pas un choix délibéré de ma part, c’est la réalité des faits qui s’est imposée à nous.

Pour être délégué titulaire il faut être à la tête de l’organisation patronale ou syndicale la plus représentative. Or, en Guinée et à la date de la constitution des délégations (et jusqu’à présent d’ailleurs), personne ne peut vous affirmer de manière incontestable quel est le patronat le plus représentatif. C’est pour cette raison que le CNP Guinée et la CPEG avaient signé un accord en 2009 pour décider d’une désignation à tour de rôle du délégué titulaire lors des sessions du BIT, tant que le processus d’évaluation du patronat le plus représentatif n’aurait pas été terminé. A l’époque le PAG n’existait pas.

Pour déterminer le patronat le plus représentatif, mon ministère a lancé, fin 2014, un processus d’évaluation. Nous avons d’abord demandé les documents administratifs des organisations patronales à savoir : les statuts, le règlement intérieur, les derniers PV d’assemblée générale et/ou congrès, etc., de manière à vérifier d’abord la régularité administrative et juridique de ces organisations.

C’est après cette étape, qui elle-même donne de précieuses informations, ne serait-ce que la liste (et donc le nombre) des membres, que nous aurions commencé à évaluer la représentativité de ces trois organisations. Jusqu’à maintenant, seuls le PAG et la CPEG ont fourni les informations demandées. Elles comptabilisent aujourd’hui respectivement 19 et 28 fédérations patronales. C’est bien parce que, 6 mois après notre demande (!), le CNP Guinée n’a pas encore fourni ces informations et documents de base élémentaires, que nous n’avons pas encore pu procéder à l’évaluation de la représentativité des patronats.

Il fallait donc trouver la manière la plus équitable de désigner le délégué titulaire de cette année. Premièrement, il me semble que la plus grande injustice aurait été de désigner le seul patronat qui, à date, n’a pas fourni la moindre information administrative à jour au gouvernement. Deuxièmement, le seul patronat qui n’a jamais été désigné Délégué titulaire pour une session du BIT, c’est le PAG, alors que c’est cette structure qui a été la première à fournir l’ensemble de ses documents et dans les délais impartis. J’ai donc considéré, en accord avec mes cadres que c’est ce patronat qui devait être désigné Délégué titulaire. La CPEG l’a bien compris et accepté. Cela n’a pas été le cas pour le CNP Guinée, d’où cette plainte de Monsieur Sylla et ces accusations que je ne comprends pas. Il n’y a rien de personnel dans tout cela et encore moins de népotisme.

Ce que je sais par contre c’est que cette situation ne se présentera plus aux prochaines sessions du BIT puisque nous allons forcément finir notre processus d’évaluation.

Interview réalisée par El. Mohamed Diallo

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