Censure

Faya Millimouno : ‘‘Alpha Condé n’a plus droit à la trêve après un mandat’’

Dr Faya Millimono, président du Bloc Libéral (BL) explique dans cette interview accordée à votre semainier, les véritables raisons qui poussent l’opposition à organiser des manifestations de rue. Dans cette même interview, l’opposant dégaine contre la mal gouvernance du président Alpha Condé, qui selon lui, n’a plus droit à la trêve, après un mandat.

Docteur vous rentrez d’une tournée  à l’étranger.  En quoi ce voyage consistait-il?

Dr Faya Millimouno : Je vous remercie beaucoup pour l’opportunité que vous m’offrez. J’ai effectué un déplacement à l’extérieur depuis le début du mois d’avril. J’ai fait presque quatre mois, principalement aux Etats-Unis et en Europe. Il y avait un côté personnel et un côté politique. Le côté politique, en tant que  le leader du Bloc Libéral (BL), à chaque fois que l’opportunité se présente, il faut aller vers les compatriotes où qu’ils soient pour leur présenter notre Projet de société. C’est ce que nous avons fait du côté des Etats-Unis et cela nous a permis de renforcer la structure du parti dans ce grand pays. Nous en avons créé des nouvelles structures. On a participé à certains événements de la communauté guinéenne.

Je me rappelle par exemple que j’ai pu être  invité à New York, à l’occasion de l’investiture du bureau de l’Union du Foutah, où il m’avait été demandé de développer un thème sur l’immigration clandestine. Les problèmes que ça pose et les pistes de solutions. Alors il y a d’autres rencontres que j’ai eues avec la communauté mais aussi des  rencontres que j’ai eues avec les institutions américaines. Notre pays est dans l’impasse. Notre pays fait face à des difficultés, il y a beaucoup de choses qui peuvent passer politiquement, et il n’y a pas aujourd’hui de chemin. Tout le monde le sait… Pendant ce temps la pauvreté sévit. Nous avons le chômage surtout des jeunes, l’insécurité bat son plein, on ne parvient à ramasser les ordures, les problèmes sont réels. Donc on a rencontré beaucoup d’institutions américaines pour d’abord se présenter à elles, et aussi présenter notre pays, ses problèmes et voir quelles solutions nous pouvons envisager. C’est la même chose que nous avons fait en Europe. En Europe, on a redynamisé notre structure à Paris où déformais nous avons à la tête de notre fédération Dr Cissé, un grand médecin qui est très engagé pour le parti. Et lui et son épouse. Et aujourd’hui beaucoup de Guinéens sont en train de s’approcher du Bloc Liberal (BL), du côté de la France. On avait déjà en Belgique une  fédération très dynamique dirigée par Monsieur Moudjitaba Barry, qui nous représente auprès des institutions de l’Union Européenne. Nous avons fait le déplacement de la République Tchèque où il y a une très importante communauté guinéenne. C’est vrai, il n’y a pas un bureau de vote mais il y a des Guinéens qui sont intéressés comme tout le monde à l’avenir de notre pays. Là également, nous avons réussi à mettre en place un noyau qui, désormais va parler du Bloc Liberal à tous nos compatriotes là-bas mais aussi aux Tchèques. Nous avons quitté la République Thèque pour la Suisse où en plus nous avons  rencontré la communauté, pour mettre en place une structure qui est dirigée par un ancien du RPG Arc-en-ciel, Monsieur Albert Sylla. Qui s’était beaucoup battu d’ailleurs lors de l’élection du professeur Alpha Condé. C’est lui aujourd’hui qui dirige la fédération du Bloc Libéral en Suisse. Nous avons également profité là-bas pour rencontrer d’autres compatriotes, leaders notamment Papa Atigou Bah, que beaucoup des Guinéens connaissent, pour avoir été leader des étudiants à l’Université Gamal, au temps de Conté. Et nous avons discuté de l’avenir de notre pays. Nous avons rencontré des députés Suisses qui également, nous ont prêté l’oreille. En France également nous avons rencontré certains leaders politiques guinéens, notamment Fodé Mohamed Soumah, Madame Marie Madeline Dioubaté, que vous connaissez également et un autre que vous connaissez moins Docteur Alexis Ouendouno. Donc avec toutes ces personnes, nous avons parlé de l’avenir de la Guinée et des stratégies qu’il faut pour sortir  de l’impasse. Voilà essentiellement ce dont il a été question à l’extérieur du pays.

Comment se porte actuellement (BL)?

Le BL se porte bien. Nous sommes en train aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, de travailler pour que plus de Guinéens sachent qu’est-ce que nous voulons. Avant de partir aux Etats-Unis, il vous souviendra, que j’ai profité d’un voyage en région forestière pour accompagner le corps de notre doyen Jean-Marie Doré, Paix à son âme. Pour faire le tour de notre structure. N’est-ce pas le long du chemin depuis Yomou jusqu’à Conakry, que nous avons senti que le Bloc Libéral est en train d’atteindre une nouvelle dimension, et nous en avons profité d’ailleurs pendant que nous étions à l’intérieur du pays pour tenter une expérience. L’expérience d’emmener par exemple tous ceux qui sont ressortissants de Labé, qui sont dans le Bloc Libéral, à partir de l’extérieur, à se donner la main pour appuyer les structures du Bloc Libéral à Labé. Comment peuvent-ils se donner la main pour identifier les personnes ressources, dont ils ont les contacts, avec qui ils confèrent, parce qu’ils sont des frères, des parents.  En un mot donner la possibilité à plus de citoyens à adhérer à notre idéal. Cette expérience a commencé à bien marcher et également pour montrer la dynamique que nous sommes en train de développer. Au moment où j’étais du côté de l’Amérique, du côté de l’Europe, il y avait d’autres personnalités du Bloc Libéral qui étaient dans la sous-région ouest africaine. Le jeune Algassimou Ousmane Souaré qui est le président de la commission des droits humains de notre parti a effectué le déplacement du Sénégal où il en a profité pour mettre en place une fédération du Bloc Libéral à Dakar. Il a fait le voyage jusqu’à l’île de Gorée. Il vous souviendra à un moment donné, on avait  tenu une conférence de presse ici pour proposer dans le cadre de la réconciliation, qui est un processus de  longue haleine, que des centres de mémoire soient organisés pour les personnes victimes des répressions politiques dans notre pays, à l’image de ce qu’on a connu en Europe. Ceux qui ont été victimes de répression durant la première et la deuxième guerre mondiale. Il y a des centres de mémoires. La même chose, nous avons proposé ici et c’est pour cette raison que Monsieur Souaré a effectué le déplacement à l’île de Gorée pour en apprendre du centre de mémoire qui s’y trouve. Parce que tout ce qu’on a aujourd’hui des noirs américains, c’est par l’île de Gorée qu’ils ont été embarqués pour un voyage de non-retour. Alors nous pensons quotidiennement et tous les jours à notre pays, voilà la raison pour laquelle nous avons adopté cette stratégie.

Aujourd’hui vous refusez la main tendue du gouvernement en même temps vous projetez une manifestation le 04 août. Est-ce que le dialogue n’est pas la meilleure des solutions, à votre avis ?

Non ! On n’a pas refusé, c’est l’opposition qui demande le dialogue. Tout Guinéen de bonne fois doit reconnaître la bonne foi de cette opposition qu’on diabolise tant. C’est l’opposition qui demande le dialogue en Guinée, et ça c’est le monde à l’envers. Si demain nous sommes en train de nous battre pour que les Guinéens nous donnent leur confiance, pour que nous dirigions ce pays, si je propose aux Guinéens un agenda pour lequel on va m’élire, c’est à moi de créer l’atmosphère parce que je veux travailler pour délivrer les gens de la misère. Vrai ou faux ?  Mais si moi qui ai un mandat à exécuter, je ne m’en fiche  pas mal de la stabilité de tout ce qui peut me permettre ou pas d’exécuter mon agenda, c’est là que se trouve le problème. L’opposition n’a pas refusé d’aller autour de la table. L’opposition a rappelé qu’il y a eu des accords en 2013, qui n’ont pas été exécutés, n’ont pas été appliqués. Les accords en 2015 qui n’ont pas été appliqués, alors la première question qu’on peut être amenée à se poser en pareille circonstance,   Einstein a dit  «ne fait pas la même chose tout le temps, et que tu t’attendes à un résultat différent. Si vous ne changez pas la manière de faire, le résultat sera toujours le même.»

Comment peut-on aller chaque fois au dialogue quand les résultats qui sortent de là ne sont jamais appliqués ? L’opposition a dit, il y a des sujets sur lesquels on a plus besoin de débattre. Mettons en application ce qu’on s’est convenu de faire, vous comprenez… S’il y a des sujets nouveaux, nous voulons également des garanties pour que  lorsque nous allons à ce dialogue, nous n’allions pas assister à des ‘’MAMA YA’’. C’est en Guinée où on dit à quelqu’un viens autour de la table pour négocier, alors qu’il n’a aucun problème, vous comprenez. Il n’y a pas de problèmes entre les partis politiques de l’opposition et ceux de la mouvance. Même pas de problème entre la coordination des partis alliés ou alimentaires de la mouvance. Nous n’avons aucun problème avec eux. Ce n’est pas eux qui gèrent. La preuve, ils cherchent à manger au près d’Alpha. Ceux avec qui nous avons des problèmes, c’est Alpha Condé et son gouvernement qui posent des actes qui sont contraires aux prescriptions de la République. Et c’est ce que nous contestons. Si y a dialogue, c’est directement entre le  gouvernement et les opposants. Si on dit qu’il y a une opposition plurielle, d’accord mais en attendant, si vous n’avez rien à revendiquer, taisez-vous. Qui ne dit rien consent. Mais pourquoi avoir toujours autour de la table des gens qui n’ont rien à revendiquer ? Vous ne trouvez pas cela questionnable. Nous, nous ne réclamerons pas de la place  un jour si l’opposition, je ne sais pas moi, x ou centriste demande à dialoguer avec le pouvoir. Nous n’irons pas réclamer une place parce que ce n’est pas à nous. Nous, nous ne savons même pas de quoi ils vont parler. Pourquoi aller si on ne veut pas tout le temps revenir aux mêmes choses. Je veux que dans ce pays-là, qu’on se comporte vis-à-vis de ce peuple comme des gens mûrs.  On est en train de se comporter comme des enfants. Quelqu’un est de la mouvance, il se réclame de l’opposition. Il est de l’opposition, il se réclame de la mouvance. Mais où est-ce que nous allons ? On est en train de faire descendre très bas la politique. Beaucoup de nos compatriotes ne croient plus à la politique, pourquoi ? Parce que c’est une salle chose. Quelqu’un peut mentir sans même avoir honte qu’il ment, vous comprenez ! Ailleurs la politique est une valeur, une valeur de référence. Chez nous, tout le monde fuit la politique, c’est pathétique. En réalité, on n’a pas refusé le dialogue. Nous avons dit  qu’il faut que cette fois-ci qu’il y ait des préalables qui nous permettent d’être sûrs que lorsque nous nous entendons sur quelque chose, que ce quelque chose soit appliqué. On ne revient plus ce sur quoi nous nous sommes déjà entendus.  C’est tout ce que l’opposition a dit. De l’autre côté, on dit bon, on vous appelle au dialogue vous refusez d’aller au dialogue, vous dites qu’on va à la  manifestation.  Ah ! Je veux que les Guinéens comprennent, il y a deux choses complètement différentes. On ne va pas dans la rue parce qu’il n’y a pas de dialogue. Non ! Ce n’est pas ça. On va dans la rue pour dénoncer des choses précises qui ne prendront pas fin demain ou après-demain. Parce que ça a pris trop de temps pour être là. Les ordures ne vont pas disparaître dans les rues de Conakry. Conakry ne va pas ressembler à Dakar dans une semaine ou deux. Nous voulons interpeller la gouvernance du professeur Alpha Condé, clairement par rapport à ça. Parce que quand on parle des ordures, les gens se limitent aux ordures. Nous, nous voyons au-delà des ordures, tout le mal qu’on est en train de faire payer. Allez aujourd’hui à Donka. Allez à Ignace Deen, dans les centres de santé, partout à Conakry, les plus nombreux qui vont là avec les maux  de ventre, les fièvres, pour  ceci, les fièvres pour  cela, c’est lié directement à l’insalubrité. Il faut qu’on interpelle le gouvernement là-dessus. Il faut qu’on interpelle le gouvernement par rapport à la criminalité. Les coupeurs de route commencent à sévir, des gens sont tués dans leurs maisons. Comme des poussins, mais ça c’est un pays ça ? Vous croyez qu’on est en train de voter le budget, budget de souveraineté pour Alpha Condé, c’est juste qu’il s’asseye,  pour qu’on tue les Guinéens. Il faut que quelqu’un l’interpelle. Quand un Guinéen meurt, quand il ne devait mourir, le premier rôle d’un Etat c’est d’assurer la sécurité des hommes et leurs biens. C’est le rôle que joue le plus mal, n’est-ce pas la gouvernance actuelle. Donc c’est sont des questions précises sur lesquelles, nous voulons interpeller le gouvernement.

A moins qu’on nous dise que désormais, que ça aille, que ça n’aille pas « A LAN A MOULAN » acceptons. Non ! Nous n’allons pas l’accepter comme ça, parce nous n’allons pas accepter de nous comporter en victimes résignées. Il faut qu’on se lève, qu’on se batte parce que c’est dans cette lutte  que chacun verra sa situation s’améliorer. Même ceux qui sont contre cette manifestation, si demain nous contraignons le gouvernement à nous balayer la  ville de Conakry, nous bénéficierons directement du bien fait de cela.

Vous exigez d’avoir un facilitateur. A qui avez-vous pensé?                                                 

Nous avons un facilitateur. Les gens pensent que choisir un facilitateur en Guinée, c’est de la mer à boire, non ! Nous avons par exemple M. Salifou Sylla, choisi de façon consensuelle par l’opposition avant pour être le facilitateur. Le gouvernement n’a qu’à choisir un autre qu’il pense être mieux à même de conduire le débat.  Les deux vont coprésider n’est-ce pas  le dialogue. Et puis le dialogue va se passer. Mais encore une fois, il faut séparer le dialogue de la gabegie que nous dénonçons à travers cette manifestation, du manque de propreté de Conakry, et de toutes les villes de l’intérieur du pays.

Vous avez choisi l’autoroute comme itinéraire de la marche. Vous estimez que la mobilisation sera grandiose par rapport à la route de prince ?

Quel que soit le lieu choisi pour  la mobilisation, l’autoroute Fidel Castro fait partie de la République. J’entends les gens dire, on ne manifeste pas à Kaloum. Non ! Non ! Ce n’est pas dans une église, ce n’est pas à la mosquée qu’on va manifester. Seules dans les maisons de Dieu, on dit Non ! Non, il n’y a pas ça. Mais la Commune de Kaloum c’est la République. L’autoroute c’est la République. On ne peut pas mettre un barrage quand il s’agit d’une République. Je crois que c’est l’autoroute la plus grande, c’est le centre, parce que si c’est l’autoroute, facilement ceux qui sont de l’autre côté, même ceux qui sont derrière la piste, ils ont la facilité d’atteindre l’autoroute que de dépasser l’autoroute, grimper les montagnes pour venir…. Non ! Non ! On a déjà marché sur la route le Prince. On ne peut pas dire que la République ne se limite que sur la route le Prince. Cette fois-ci c’est l’autoroute. Si demain nous choisissons d’aller manifester à la place des martyrs, personne ne doit nous en empêcher. Moi, j’ai organisé des manifestations à Washington. Là où aucun guinéen ne peut sauf ceux qui y vivent,  payent des taxes. Lorsqu’il y avait des bavures ici à Conakry. Moi j’allais au département de police de Washington, je demandais que les Guinéens viennent marcher. Ils n’allaient pas marcher contre le président américain. Les gens pouvaient nous dire aller vous faire foutre. Mais ils nous encadraient, on se regroupait au  parc la Fayette devant la Maison Blanche. On prenait les photos à même le mur de la Maison Blanche, c’est là on se regroupait, on commençait à marcher jusqu’au département d’Etat. Dans ça, on était encadré par la police américaine. Pourquoi la police guinéenne ne peut pas encadrer les Guinéens qui veulent marcher à la place des martyrs ? Pourquoi ? Lorsqu’aujourd’hui on continue à faire l’avocat de la limitation des libertés, il y a des morts qui se retournent mille fois dans leurs tombes. Est-ce qu’ils sont morts pour ça ? C’est comme si nous les laissions tomber. Donc un jour, qu’ils soient de l’opposition ou de n’importe lequel des partis, si les gens disent que nous allons marcher devant la maison du président, c’est comme la Maison Blanche à nous Sékhoutoureya. Que les gens aillent marcher devant là-bas, ce n’est pas un crime bon Dieu! Le crime, c’est quand dans une République normale, les gens sortent à la télé et à la radio avec fierté des milices. Chevaliers de la République, qu’est-ce que ça vient faire dans ça ? Donzo qu’est-ce que ça vient faire dans ça ? C’est comme si c’est un fait naturel. Il y a une armée qui nous coûte très chère, même si ça n’atteint pas les militaires, c’est-à-dire le budget de la Défense atteint difficilement les militaires. Les militaires guinéens vivent dans les mêmes conditions que nous. Mais les gens s’enrichissent sur leurs dos. La police existe, la gendarmerie existe mais pourquoi mettre en place les chevaliers de la République? Qu’est-ce que ça veut dire ? Il y a quelqu’un à qui on confie une institution de la République à gérer, il prend cet argent pour instrumentaliser des jeunes à commettre des actes criminels et personne ne  dit mot. C’est-à-dire il y a des procureurs qui sont là, qui  voient tout ça, ils ne prennent aucune décision. Pourtant nos lois disent que personne n’a le droit de former une milice. Qu’est-ce qu’on peut appeler chevaliers de la République, si ce n’est pas une milice, les donzos qu’on voit proférer des menaces contre d’autres guinéens,  il n’y a pas des procureurs pour ouvrir la bouche et pour interpeller ces gens-là. Il se trouve que nous vivons dans une injustice, et c’est pour cette raison que nous devons avoir le courage, même si c’est au dépens de nos vies, pour dire que ça, ça ne doit pas continuer.

 Entretien réalisé par Alpha Amadou  et Sadjo Diallo

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