Censure

Fodé Kerfalla Yansané : ‘‘Sortir les jeunes guinéens de la pauvreté à partir de 2020’’

M. Fodé Kerfalla Yansané qui s’est prêté aux questions de notre reporter dans cet entretien, est le fondateur du Mouvement « Option Guinée 2020 ». C’est un Guinéen vivant au Canada qui compte participer à la vie sociopolitique de son pays. En 2013, il fut candidat indépendant aux élections municipales pour le compte des verts, et en 2015, il a participé également aux élections fédérales, pour le poste de député, au Canada. En Guinée, il avait fait parler de lui aussi pour avoir adressé une demande d’entrevue au président Alpha Condé, pour le poste de gouverneur de Conakry. Entretien…

Bonjour M. Fodé Kerfalla Yansané, vous êtes un membre de la diaspora guinéenne vivant au Canada, et qui porte un grand intérêt à la vie politique de notre pays, à tel point que vous voulez briguer la présidence en 2020. Qu’est-ce qui a motivé cette décision de votre part ?

Fodé Kerfalla Yansané : Permettez-moi avant de saluer toutes les Guinéennes et tous les Guinéens qui sont au pays mais aussi celles et ceux de la diaspora. Permettez-moi également de me présenter brièvement à mes sœurs et frères.

Je suis né et j’ai grandi à Conakry, à Sandervalia, 1ere avenue,  dans la Commune de Kaloum.

Oui, je suis de la diaspora guinéenne du Canada, où j’ai fait mes études supérieures en urbanisme/planification territoriale et développement local. J’y ai travaillé, dans la province du Québec, comme conseiller en aménagement du territoire, au ministère des Affaires municipales. En 2013, j’ai été candidat indépendant aux élections municipales, et en 2015, j’ai représenté mon parti aux élections fédérales, c’est-à-dire à l’échelle nationale, pour le poste  de député. Il y en a qui se souviendront que dans la même année j’avais adressé une demande d’entrevue au président de la République, pour le poste de gouverneur de Conakry.

Je suis le fondateur du mouvement Option Guinée 2020 (ou OG 2020), dont le but principal est de sortir les jeunes guinéens de la pauvreté à partir de 2020. Vous pouvez écouter mes vidéos à ce sujet et en apprendre davantage sur moi en visitant ma page Facebook, qui est : Fodé K Yansané. J’aimerais vous remercier sincèrement de m’avoir accordé cette entrevue.

Alors, oui, je confirme, avec honneur mais surtout en toute humilité, que je serai candidat à l’élection présidentielle en Guinée en 2020. Par cette occasion, je tends la main à toutes mes sœurs et à tous mes frères qui ont confiance en la jeunesse guinéenne. Et ma conviction est que c’est cette jeunesse, elle-même, qui peut et qui doit améliorer ses propres conditions de vie et, par ricochet, celle de tout le peuple de Guinée. C’est cette conviction qui me motive, car elle permettra d’orienter nos politiques vers:

  • Une Guinée où la jeunesse sera une priorité nationale, valorisée et encadrée adéquatement;
  • Une Guinée où la qualité de l’éducation sera mise à jour;
  • Une Guinée où le développement des nouvelles technologies sera planifié;
  • Une Guinée où le système de santé sera réorganisé pour placer les patients au cœur de sa pratique;
  • Une Guinée plus démocratique et plus transparente;
  • Une Guinée où la liberté d’expression sera encouragée;
  • Une Guinée débarrassée de toutes les considérations ethniques nuisibles pour l’unité nationale, sans laquelle aucun progrès n’y sera possible;
  • Une Guinée où les forces de l’ordre renoueront avec le prestige d’être derrière leur peuple, et non face à lui;
  • Une Guinée où les fonctionnaires et les cadres ne seront pas obligés d’être militants d’un parti politique pour obtenir une promotion;
  • Une Guinée où l’impunité ne sera pas présente;
  • Enfin, je rêve d’une Guinée dont les filles et les fils ne seront pas des exilés de la déception et de la désillusion, donc d’une Guinée dont la diaspora sera en baisse, parce que ses membres trouveront à la maison toutes les conditions favorables à leur bien-être mais aussi à leur désir de contribuer davantage au développement de leur pays.

Mais un problème risque de se poser, étant donné que les candidatures indépendantes ne sont pas autorisées pour la présidentielle. Au cas, la donne ne changeait, sous quelle bannière allez-vous présenter votre candidature ?

Comme je l’ai mentionné préalablement, je suis le fondateur de l’OG 2020. C’est dans le cadre de celle-ci que mes collaborateurs et moi ferons nos interventions. J’ai été approché par certains représentants de partis politiques du pays. S’il s’avère avantageux pour faire des alliances ou toute autre forme de collaboration avec un ou des partis, nous nous assurerons que c’est la jeunesse guinéenne qui sera mise au premier plan. J’aimerais souligner que l’OG 2020 est un mouvement, et non un parti politique, pour le moment; il est possible qu’il le devienne. Donc toutes les possibilités seront sur la table, et seront considérées avec l’ultime but de sortir les jeunes guinéens de la pauvreté à partir de 2020.

N’êtes-vous pas intéressé par les élections communales qui s’annoncent à grands pas?

Je suis un Guinéen qui est déterminé à servir son pays à un niveau où il pourra être plus efficace. Être le maire d’une commune de Conakry, précisément de Kaloum, est une possibilité que je peux sérieusement considérer seulement sous la bannière d’un parti politique ou d’un quelconque groupe qui partage mes idéaux et mes valeurs démocratiques. Pour l’instant, l’OG 2020 s’engage à appuyer, sans conditions, toute candidature proposée par des jeunes dans leurs communes, quartiers et districts.

Pensez-vous qu’en restant loin du pays, vous aurez la chance de vous faire connaître de vos compatriotes, dont la plupart n’ont pas accès aux réseaux sociaux sur lesquels vous êtes assez présent ?

Je n’ai jamais été loin du pays; la Guinée est toujours restée dans mon cœur. Je suis allé étudier au Canada, mais j’ai toujours cru que je reviendrai un jour pour servir mon pays. Croyez-moi, même mon choix de formation en urbanisme/planification territoriale et développement local a été fait dans ce sens, en considérant que Conakry a grandement besoin d’une intervention urbanistique pour améliorer son image.

Par ailleurs, je tiens à mentionner que je ne suis pas en campagne électorale sur les réseaux sociaux. Mon objectif sur ces réseaux est de sensibiliser, de motiver et d’encourager les jeunes guinéens à prendre leur place dans la société. Comme ces espaces sont des lieux qui me permettent d’être en contact avec un nombre important de jeunes utilisateurs guinéens, je ne peux ignorer leur potentiel. Quant aux compatriotes non connectés, une stratégie de communication sera élaborée en temps et lieu pour les rejoindre.

D’ailleurs on vous entend par le canal de Facebook, adresser des messages à l’éveil des consciences des jeunes guinéens, à ce qu’ils apprennent à voter utile. Pensez-vous que ce soit l’ultime voie pour parvenir à l’alternance en Guinée ?

La jeunesse est la couche sociale la plus importante. Malheureusement, en Guinée, elle est manipulée et trahie. Elle a toujours donné son pouvoir aux gens qui ont pris du plaisir à leur faire de fausses promesses quand vient le temps des élections. Sans cette jeunesse, ces politiciens ne seraient pas au pouvoir.  C’est sur cette réalité, entre autres, que je suis déterminé à attirer davantage l’attention des jeunes afin qu’ils prennent conscience de leur force politique et, ultimement, qu’ils l’utilisent à leur avantage, en se présentant aux différentes élections. Sans cet engagement décisif de leur part, il n’y aura ni l’alternance politique innovatrice ni l’amélioration de leur sort. Elle doit arrêter de se plaindre et d’attendre, mais agir dans un cadre légal, car elle a tout ce qu’il lui faut pour y arriver. Et je crois fortement que c’est avec elle que je dois travailler pour une Guinée moderne.

Pourquoi à votre avis la Guinée a besoin d’une nouvelle classe politique ?

J’aimerais que nous débattions davantage des enjeux tels que l’économie (la diversification), l’éducation (stratégie contre le décrochage scolaire par exemple), la santé (humaniser le système et le soin pour les personnes âgées), l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre la violence conjugale, l’environnement et le développement durable, etc., au lieu de performer sur des sujets qui ne sont pas de caractère à améliorer les conditions de vie des citoyens. Je crois que cela ne sera possible que si une nouvelle génération de leaders politiques émerge en Guinée.

Cette nouvelle classe de décideurs ne peut être constituée que par des jeunes guinéens ayant pris conscience qu’ils sont manipulés par certains politiciens lors des élections et trahis par eux après qu’ils aient réussi à se faire élire frauduleusement. En effet, comment qualifiez-vous l’acte d’un candidat qui propose de l’argent aux jeunes sans emploi et vivant dans une précarité, en échange de leurs votes? Sans équivoque, il fait de la fraude électorale, un acte criminel.

Bref, le candidat qui propose de l’argent à ses électeurs n’a aucun respect pour eux, et n’a rien à leur offrir pour améliorer leurs conditions de vie. Ce type de candidat est un marchand : il vous donne de l’argent, ce qui représente son investissement pour se faire élire, mais sans rien faire de significatif pour vous pendant son mandat.

Quant à nous, électrices et électeurs, nous devons savoir que prendre l’argent d’un candidat, c’est contracter une dette. Et, évidemment, une dette doit être remboursée. Mais à quel prix? C’est pour cela que j’aimerais inviter toutes les électrices et tous les électeurs, mais surtout les jeunes, à renoncer aux cadeaux des politiciens, s’ils veulent vraiment s’en sortir.

La jeunesse guinéenne doit impérativement s’impliquer dans la politique pour prendre sa place. Je profiterai, à ce niveau, pour féliciter et manifester mon admiration pour les jeunes candidats suivants aux élections communales à venir: M. Ahmed Sékou Camara, candidat dans la Commune de Matoto, et M. Fodé Diaoune, candidat dans la Commune de Dixinn. Je tiens à mentionner aux jeunes de ces communes que ces candidatures sont les leurs, et je les invite à les appuyer, s’ils veulent vraiment être bien servis.

Je suis, par ailleurs, convaincu que cet engouement politique de ces jeunes leaders déferlera sur les Communes de Kaloum, de Matam et de Ratoma; ce n’est qu’une question de temps, car je sais que ces communes regorgent de jeunes dynamiques et talentueux qui ont compris que c’est à la jeunesse guinéenne de prendre les destinées de notre pays maintenant.

Vous aviez à un moment donné, on se souvient, adressé un courrier au président de la république, pour solliciter le poste de gouverneur de la ville de Conakry. La démarche avait retenu l’attention de certains observateurs, qui avaient trouvé cela noble de votre part. Malheureusement, le chef de l’État avait nommé dans la foulée, Mathurin Bangoura. Quelle leçon avez-vous tirée de cette issue ?

Vous savez, j’aime Conakry. Je dois dire franchement que j’étais déçu. Je tiens à mentionner que mon intérêt pour le poste de gouverneur de Conakry était surtout motivé par mon expérience professionnelle. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit forcément moi qui occupe ce poste, mais j’espérais cependant à ce que me soit offerte l’opportunité pour faire valoir mes compétences et ma vision pour Conakry. Si ce poste était électif, j’aurais fait la campagne pour l’avoir.

La seule question que je me pose encore aujourd’hui par rapport à cette expérience est la suivante : Quelles sont les exigences pour être gouverneur de la Ville de Conakry, étant donné que ce poste n’est pas électif? Par ailleurs, le Président disait récemment, lors de son séjour en Turquie, que « le point la faiblesse de la Guinée, ce sont les ressources humaines »; sans ignorer aussi que le gouvernement dit vouloir attirer les jeunes cadres guinéens de la diaspora. Ce qui m’emmène à demander : Qui sont ou qui peuvent être ces jeunes cadres guinéens de la diaspora?

Toutefois, mon amour pour ma capitale, Conakry, ne dépend pas de cette situation; il est gravé dans mon cœur. C’est pour cela que je n’ai pas hésité, dans les jours les jours qui ont suivi cette déception, à lancer une campagne de financement sur Facebook, auprès de la diaspora guinéenne, pour l’achat de cinq camions poubelles pour nos cinq communes de Conakry, en prenant soin d’inviter les autorités du Gouvernorat à se joindre à la démarche afin de la rendre plus crédible, à cause de leur légitimité, mais en vain. Je profite donc pour rappeler que cette campagne est toujours en cours, et renouveler mon invitation auprès des autorités du Gouvernorat, car Conakry a besoin d’équipements de salubrité, et je suis convaincu que la diaspora guinéenne sera très généreuse pour cette cause.

Comment trouvez-vous la gouvernance actuelle ?

Je me suis imposé un principe : Faire moins de critiques et de commentaires, mais plutôt observer, analyser et faire plus de propositions pour améliorer ce qui doit l’être à mon avis. C’est cette attitude qui me semble susceptible de créer un climat de travail fructueux entre les partis politiques. Bien qu’opposés, ils doivent être, ensemble, imputables devant les contribuables.

Par ailleurs, comme un troisième mandat pour le Président est un sujet d’actualité en Guinée, j’aimerais dire ce qui suit :

Étant donné que la sagesse est une vertu qui doit gouverner les actes de l’homme du rang de chef de l’État, j’ose croire que le Président épargnera le peuple de Guinée de toute perturbation inutile comme il en a d’ailleurs fait la preuve dans la récente crise en Gambie, en étant l’un des médiateurs ayant permis d’éviter le bain de sang dans ce pays d’Afrique. J’espère que je ne me trompe pas en disant qu’il n’aime pas le peuple gambien plus que son propre peuple. En d’autres termes, ça n’aura aucun sens que le président de la Guinée soit le héros pompier en Gambie et le pyromane dans son propre pays.

Que vous inspire le comportement de l’opposition guinéenne face au pouvoir d’Alpha Condé ?

Dans le rapport qui existe entre l’opposition et le pouvoir, il y a toujours une performance ou un rendement conditionné, réciproquement: si l’opposition est faible, le pouvoir l’est aussi, et ce, même si la perception laisse croire que le pouvoir est fort, et vice versa. Les deux pôles s’alimentent et s’inspirent mutuellement.

Vous êtes dans un pays où la démocratie est bien ancrée dans les mœurs, comment à votre avis, peut-on transposer le modèle démocratique canadien en Guinée ?

Il faut tout d’abord mentionner que le modèle démocratique canadien n’est pas parfait, mais qu’il est sans conteste l’un des meilleurs au monde. Que ce soit à l’échelle nationale ou communale, le modèle canadien est transposable en Guinée, à la seule condition de tenir compte des spécificités de notre pays. Je n’hésiterai pas à m’en inspirer, le moment venu, pour favoriser plus de transparence au sein de nos institutions et mettre fin à l’impunité.

A quand date votre dernier séjour en Guinée ?

Mon dernier séjour en Guinée remonte à 2015, et elle me manque déjà.

Je terminerai en mentionnant que toutes les Guinéennes et tous les Guinéens peuvent participer à l’élaboration du programme que nous voulons pour notre pays, en nous faisant parvenir leurs propositions à l’adresse suivante : optionguinee2020@hotmail.com.

Demeurons optimistes, en faisant de notre mieux pour aider notre patrie. Par ailleurs, je suis convaincu qu’un meilleur futur de la Guinée ne sera pas fait par les Kissi, les Malinké, les Peulhs, les Soussou, etc., mais uniquement par les Guinéennes et les Guinéens, mais surtout par sa jeunesse.

Je vous remercie. Vive la jeunesse guinéenne.

L'indépendant

Interview réalisée par Mamadou Dian Baldé

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