Censure

Mines/ Abdoulaye Magassouba : ‘‘ce n’est pas parce que nous voulons la transformation, que nous devons refuser l’exportation du brut’’

Abdoulaye Magassouba, ministre des Mines, était parmi les panélistes de la rencontre à Paris (du 16 au 17 novembre) sur le Programme National de Développement Social et Economique de la Guinée. Nous l’avons rencontré pour un entretien à bâton rompu.

Guinee7.com : Monsieur le ministre, vous avez assisté, ce 17 novembre, au panel consacré aux opportunités du secteur privé dans l’économie guinéenne, pouvez-vous nous dire ce que vous avez dit en tant que panéliste, ce matin ?

Abdoulaye Magassouba : Au cours de ce panel, nous avons essayé non seulement d’expliquer et de présenter les opportunités dans le secteur minier, mais aussi les opportunités créées par le secteur minier dans le cadre de la diversification de l’économie, parce qu’en réalité, l’objectif final en terme de développement minier, c’est de contribuer à la diversification, d’être un catalyseur de la diversification de l’économie nationale et à terme, c’est sur cette base-là que nous évaluerons le niveau de performance, le niveau de succès du secteur minier. Comme vous le savez, c’est un secteur de ressources épuisables, nous avons intérêt dès maintenant à préparer l’après mine ; la façon c’est d’assurer la diversification de l’économie. Et comme le président de la République l’a signifié hier (16 novembre, NDLR), au cours de la session d’ouverture, le secteur minier est censé être le catalyseur de la transformation de l’économie nationale et nous devons donc travailler nous-mêmes au quotidien pour pouvoir transformer cette vision en réalité, à court, moyen et long terme.

‘‘A part la Chine, aucun autre pays n’a autant de projets d’usines d’alumine’’ 

Il a été dit aussi pendant ce panel, que le secteur minier peut être beaucoup plus porteur si on passe à la transformation. Qu’est-ce que vous faites ? On a comme l’impression que sur ce plan, ça ne bouge pas beaucoup chez nous…

Vous savez, il y a des affirmations qui sont faites souvent dans notre pays, pour lesquelles les précautions ne sont pas prises pour vérifier la base de ces affirmations-là. Il y a aujourd’hui, au moment où je vous parle, huit projets d’alumine en Guinée et je suis quasiment convaincu qu’à part la Chine, aucun autre pays n’a autant de projets d’usines d’alumine ; sur ces huit projets, il y en a quatre qui ont été initiés sous les deux mandats du président Alpha Condé. C’est juste pour vous dire que nous consolidons les acquis qu’il y avait sur les questions de transformation, mais au-delà de ça, il y a une priorité pour le gouvernement que nous puissions assurer au fur et à mesure la transformation du minerai, pas seulement de la bauxite, mais toute transformation que nous pouvons faire localement, y compris au-delà du secteur minier. Comme vous le savez, la priorité est mise sur l’agro-industrie.

vous voyez la reprise très prochaine de l’usine de Friguia, ce n’est pas le fruit d’un hasard

Pour cette raison-là, pour que nous créons plus de valeur localement, le gouvernement en est conscient, c’est une priorité pour le gouvernement et nous avons des résultats dans ce domaine, puisque vous voyez la reprise très prochaine de l’usine de Friguia, ce n’est pas le fruit d’un hasard, c’est le fruit d’un travail au niveau des plus hautes autorités du pays, pour que la transformation soit une réalité.

Mais parallèlement à cette volonté, à ces actions, il est important pour nous de nous assurer que les facteurs contribuant à ces transformations-là existent dans le pays. L’un des facteurs les plus importants, c’est l’énergie, il y a eu le barrage de Kaléta qui est le plus grand barrage existant dans le pays, mais au-delà de ça nous avons le barrage de Souapiti qui fait le double de Kaleta, qui est en construction et en rendant l’énergie disponible en quantité et à un prix compétitif, nous créons de meilleures conditions de transformation locale de nos produits, pas seulement miniers, mais agricoles.

nous ne sommes pas dans une situation où nous devons faire jouer certains opérateurs contre d’autres

Les plus sceptiques disent qu’au départ, par exemple GAC devait passer à la transformation, mais finalement comme le gouvernement a permis à la SMB de transporter de grandes quantités de bauxite, personne ne va plus transformer…

Cela aussi, c’est une affirmation dont les fondements sont à vérifier et dont je doute des fondements pour une raison très simple ; au même moment où nous voyons la reprise de l’usine de Friguia, nous ne pouvons pas dire que l’exploitation de la bauxite par un tel minier entraine qu’un autre minier défasse sa décision d’investissement dans la mine. Et deuxièmement, l’engagement ferme a été pris, en 2013, que GAC allait réaliser l’usine d’alumine, au moment où je vous parle, cet engagement court toujours, et je sais que les équipes de GAC travaillent pour que cet engagement puisse être honoré. Ce que je peux vous dire globalement, nous ne sommes pas dans une situation où nous devons faire jouer certains opérateurs contre d’autres.

Ce qui nous intéresse, c’est que nous ayons des projets robustes, portés par des opérateurs crédibles et qui se réalisent dans l’intérêt de la Guinée. Donc, tout ce que nous faisons va dans ce sens et s’il y a éventuellement des rumeurs ou des affirmations, simplement les gens n’ont pas assez d’informations et là, il nous revient bien sûr de mieux expliquer ce qui se passe ; et ce qui se passe est très simple, les compagnies minières sont engagées à réaliser des usines d’alumine, nous travaillons avec ces compagnies pour que les études se fassent, parce qu’on ne construit pas une usine d’alumine sans les études, sans mobiliser les financements. Donc, toutes ces phases-là doivent être franchies avant de voir la réalité de ces usines.

ce n’est pas parce que nous voulons la transformation, que nous devons refuser l’exportation du brut

Mais ce que je peux vous garantir, le travail se fait, les compagnies sont engagées, nous travaillons avec elles, pour que nous puissions parvenir progressivement à la transformation d’une quantité significative de la bauxite produite en Guinée ; par contre, ce qu’il faut noter et j’insiste sur cela, ce n’est pas parce que nous voulons la transformation, que nous devons refuser l’exportation du brut, parce que nous avons les plus grandes réserves mondiales, mais jusqu’en fin 2014, nous avions à peine 7% de parts du marché. Aujourd’hui, nous sommes en train d’aller à 25% de parts du marché ou plus, cela est important pour nous, parce que ce qu’il faut avoir à l’esprit, à l’évolution technologique qui fait qu’aujourd’hui, il y a d’autres procédés d’obtention d’alumine sans utiliser la bauxite.

Donc, si ces procédés-là arrivent à faire leurs preuves dans l’industrie et que ces procédés-là obtiennent la confiance des opérateurs miniers, en tout cas, pour aller à l’alumine, vont pouvoir se passer de la bauxite et notre bauxite, excusez-moi du terme, on l’aura sous les bras sans pouvoir en faire quelque chose. Donc, nous devons aller vers la transformation, mais le fait de viser la transformation, de travailler pour la transformation n’est pas incompatible avec l’exportation de la bauxite brute.

Monsieur le ministre, ce matin, vous avez dit qu’avec les 20 milliards de crédits de la Chine, les prévisions de recettes ne sont pas érodées. Qu’est-ce que vous avez voulu dire ?

Ce que je voulais simplement dire, c’est que nous parlons de projets qui vont juste commencer maintenant. Nous ne sommes pas en train de parler des revenus de la CBG qui seraient utilisés pour rembourser le prêt chinois, non. Nous sommes en train de parler de nouveaux projets, donc de revenus que nous n’avions pas avant et que nous décidons aujourd’hui sous la direction du président de la République que ces revenus-là soient investis pour les générations futures dans les infrastructures, pas dans le fonctionnement de l’État.

l’importation de tout le matériel pour la construction de Souapiti a été réalisée via le port de la SMB

C’est ce que je voulais fondamentalement dire, mais la dernière chose que je voulais dire qui est en lien avec l’utilisation de ces revenus, c’est tout ce que le secteur minier doit faire et est en train de faire pour les autres secteurs de l’économie. Les infrastructures créées dans le secteur minier sont utilisées, utilisables et certaines sont déjà utilisées par d’autres secteurs de l’économie.

Comme je l’ai dit, l’importation de tout le matériel pour la construction de Souapiti a été réalisée via le port de la SMB, donc ça, c’est une utilisation d’un port minéralier pour la réalisation d’un projet de barrage hydroélectrique.

Au-delà de ça, nous travaillons aussi avec certains opérateurs miniers pour faciliter la réalisation de certains barrages, l’exemple concret c’est le barrage de Cogon. Nous travaillons avec la CBG pour qu’une partie de la production puisse être achetée par la société et une fois que la société décide d’acheter une partie de cette production, puisqu’elle est solvable donc peut payer, ça donne une certaine garantie que les factures d’électricité seront payées de ce côté-là, ça facilite la mobilisation du financement de ce projet.

Nous travaillons avec le ministère de l’Économie sur ça, c’est dans le domaine de l’énergie mais les mines facilitent le financement de ce projet. Les mines contribuent aussi au financement des infrastructures comme je l’ai dit tantôt, en représentant la contrepartie pour le remboursement des 20 milliards.

les mines ne sont pas dans un système clos, les mines sont au service du reste de l’économie

Et nous travaillons aussi, pour être complets, avec la Banque Mondiale, en liaison avec le ministère de l’Agriculture, pour la mise en place d’un prêt qui doit permettre le financement du programme national portant sur le développement du secteur agricole.

Donc, il y a beaucoup de choses qui se font, les mines ne sont pas dans un système clos, les mines sont au service du reste de l’économie, les mines sont censées être le catalyseur de l’économie et l’objectif, c’est que la part des mines, grâce à la contribution du reste de l’économie, puisse être à terme sur le long terme, une part moins importante, mais d’une économie largement plus grande et diversifiée, pour que nous puissions être à l’abri des surprises liées aux fluctuations des cours mondiaux des produits miniers et pour que notre économie puisse être plus résiliente aux chocs externes et que nous puissions asseoir des bases solides de notre développement, en ayant des infrastructures qui permettent la commercialisation des produits agricoles, la facilité des mouvements des biens et des personnes d’une manière générale dans le pays. Et donc, créer les conditions structurelles d’un développement certain.

GAC emploie environ trois mille (3.000) personnes sur lesquelles plus de 85% sont des Guinéens

Il y a beaucoup d’annonces d’aides et de crédits des partenaires de la Guinée, certains disent que c’est toujours comme ça, on annonce beaucoup d’argent et après ça ne suit pas. On a pensé même à cette annonce d’Abu-Dhabi où c’étaient 6 ou 7 milliards qui a fait grand bruit, et vous vous pensez le contraire, vous dites que non, l’annonce d’Abu-Dhabi a fait des effets.

Oui bien sûr. Encore une fois, je pense qu’il est important que l’information soit recherchée à la source, c’est aussi important que nous aussi nous améliorions notre communication. Mais c’est de notoriété publique que les investissements qui étaient annoncés dans le cadre de la conférence d’Abu-Dhabi, ces investissements ont commencé déjà à se réaliser sur le terrain. Nous avons eu l’inauguration d’un quai portuaire par le président de la République, il y a quelques mois, le quai de GAC.

85% de Guinéens dans l’effectif de GAC sont employés grâce aux annonces faites à Abu-Dhabi ! 

Le financement de ce quai-là fait partie de ces financements qui ont été annoncés à Abu-Dhabi. Le financement du projet de GAC dans son entier fait partie des financements qui ont été annoncés à cette occasion-là et aujourd’hui pour vous parler très concrètement, GAC emploie environ trois mille (3.000) personnes sur lesquelles plus de 85% sont des Guinéens.

Donc 85% de Guinéens dans l’effectif de GAC aujourd’hui sont employés grâce à ces annonces qui ont été faites à Abu-Dhabi ; donc il ne s’agit pas d’annonces simplement farfelues comme cela peut-être imaginé, mais il s’agit d’annonces liées à des engagements concrets qui se réalisent au fur et à mesure. Et les annonces qui ont été faites ici vont bien sûr se réaliser.

ce ne sont pas des annonces farfelues, c’est des annonces qui portent sur des projets concrets

Il a été bien sûr noté hier (le 16 novembre, NDLR) que nous avons le défi de renforcement de nos capacités, nous devons travailler dans ce sens pour nous assurer que tout ce qui est requis comme préparations, études, contrats, procédures ainsi de suite… que nous arrivons à nous doter de capacités pour pouvoir faire face à toutes ces exigences administratives, techniques et autres, pour pouvoir accélérer le flux de ces financements annoncés vers la Guinée et que cela contribue à la création d’emplois comme c’est le cas aujourd’hui de GAC qui est le résultat des annonces faites à Abu-Dhabi.

Il y a bien sûr d’autres projets publics, dans le secteur de l’électricité notamment, sur lesquels il y a eu des avancées par rapport aux annonces qui ont été faites à Abu-Dhabi. Donc, ce ne sont pas des annonces farfelues, c’est des annonces qui portent sur des projets concrets et nous avons les preuves de la réalisation de certains de ces projets, d’autres vont suivre bien sûr dans les années à venir.

Interview réalisée à Paris par Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com

Facebook Comments

Obtenez des mises à jour en temps réel directement sur votre appareil, abonnez-vous maintenant.