Censure

Un leader syndical met le pied dans le plat des centrales syndicales guinéennes

Elhadj Mamadou Saliou Diallo, secrétaire général adjoint de l’ONSLG ne fait pas dans la dentelle, quand il s’agit de dénoncer les travers qui affectent le monde syndical. Dans cet entretien accordé à votre semainier, l’homme donne également sa lecture des manifestations de rue que les opposants s’apprêtent à organiser à partir du 4 août.

Dites-nous comment se porte actuellement le monde syndical guinéen, vu qu’on ne vous entend plus autour des revendications qui n’ont d’ailleurs pas trouvé d’échos?

Elhadj Mamadou Saliou Diallo : Bon, les syndicats guinéens au jour d’aujourd’hui comme le dirait l’autre clopinclopant, parce qu’il y a toujours au niveau des différentes centrales syndicales, une incompréhension due à des velléités individuelles, masquées par une dynamique organisationnelle du syndicat. Mais en réalité, ce ne sont que des velléités individuelles qu’on est en train de mettre en surface pour être celui dont on rêve toujours être. Voilà en gros le syndicalisme laisse à désirer. Il y a beaucoup de découragement au niveau de la base parce que tout  simplement au niveau des leaders syndicaux, les travailleurs ressentent une certaine trahison, les travailleurs ressentent une certaine irresponsabilité face aux différentes plates-formes de revendications, mais tout cela a été orchestré par des groupes d’intérêt, et qui ont peut-être la mal chance d’avoir comme affinité le gouvernement. Ce qui fait qu’au jour d’aujourd’hui personne ne s’est dans quelle direction on va.

Vos détracteurs disent que vous êtes corrompus et divisés, que répondez-vous ?

Vous savez le phénomène de corruption est difficile à mettre en évidence. Mais y a de fortes rumeurs, il y a eu des journalistes comme vous qui ont mené des enquêtes au niveau de certains leaders qui ont réussi à faire apparaître un élan de corruption lors de ces négociations. Mais comme nous n’avons pas ces preuves sur la table, on ne peut pas dire que tel a fait ceci, tel a reçu cela et les journalistes ont réussi à mettre en évidence certains pans de cette vague de corruption.

Par rapport à la division des syndicats, c’est juste, il y a une division qui est née je disais de la volonté de certains syndicats de parler en lieu et place de tout le monde, sans même les consulter, et qui finalement ayant des affinités avec le gouvernement, ont orchestré des soit disant élections parce que c’est même ridicule qu’on s’en orgueillisse avec un tel processus. Comment pourrait ont faire des élections sans qu’il n’y ait un processus électoral discuté et accepté ? Comment peut-on faire des élections sans base juridique légale ? Comment peut-on dire qu’on a fait une élection lorsqu’on ne partage pas non seulement la mise en œuvre mais on ne partage même pas la sécurisation des résultats. On oublie que les élections sociales pour les organisations syndicales ont la même valeur que les élections politiques pour les partis politiques. Vous voyez, on a essayé de sauter, de galvauder de bric en brac.  Pour dire voilà la Guinée a fait des élections sociales, c’est même honteux. Je serais à la place de ceux qui ont organisé ça, j’allais démissionner.

Vous avez effectué des séjours à Genève ces derniers temps.  Dites-nous dans quel cadre se situaient ces voyages?

Bon, nous avions double objectif. Vous savez que les problèmes qui se sont passés ici, comme nous avons pensé que ce n’était pas normal, alors un certain nombre de syndicats au nombre de sept (7) ont fustigé la façon dont cette soit disant élection s’est passée, parce que jusque-là, on ne sait pas si c’est une élection ou une évaluation ou un décompte. Ces eux qui savent quel est le qualificatif qu’il faut utiliser. Donc nous avons porté plainte au Bureau International du Travail (BIT).  Pour d’abord violation de liberté syndicale, pour violation de nos droits syndicaux, et nous avons argumenté notre dossier. Dieu merci, notre dossier a été  enregistré en bonne et due forme à l’OIT, sous le numéro 3169. Il fallait qu’on y soit pour apporter des compléments d’informations, malgré qu’on a cherché à nous empêcher de faire certaines rencontres, dans les couloirs, nous avons réussi à rencontrer tous ceux qu’il faillait rencontrer autour de ce dossier. Nous avons fait un complément d’informations. Le deuxième objectif, c’était de suivre les travaux de la conférence, vous n’êtes pas sans savoir que les questions numéros 6 et 7 de la conférence de cette année étaient relatives aux gens de la  mer. Donc des travailleurs maritimes. Et puisque c’est nous qui les organisons au jour d’aujourd’hui, que ce soit l’USIMAG ou SLIMAG, les deux structures syndicales sont affiliées à l’ONSLG, donc il fallait aussi que nous rencontrions le département en charge parce que même dans leurs soit disant évaluation ici, les autorités du travail se sont permises de nous affirmer que les marins ne relèvent pas du secteur formels. Alors nous avons eu à rencontrer ce département. Madame VACOTO  nous a certifié que les marins constituent un secteur de l’économie formelle, donc ils ne sont pas comptés dans le groupe informel, et c’est d’ailleurs ce qui a poussé l’OIT à préparer un Protocol qui permet à tous les marins du monde d’avoir les mêmes salaires indiciaires de base pour éviter justement ce qui se passe, jusqu’au niveau des pièces d’identité et du système de navigation maritime. Nous avons essayé de rencontrer ceux-ci, avoir des discussions avec eux. Vous n’êtes pas sans savoir que la Guinée n’a pas encore ratifié  les conventions relatives aux gens de la mer. Donc nous allons nous engager dans ce processus-là, et nous avons salué le fait que bientôt, un cadre de l’OIT sera désigné en la matière, pour permettre à nos marins de vivre décemment, de travailler dans des conditions requises comme s’ils étaient à l’étranger.

Où en êtes-vous par rapport à la diminution des prix du carburant.  On a l’impression que cette revendication est classée?             

Vous savez que le gouvernement guinéen a préféré nous écarter de ces négociations. Je veux parler des différentes centrales syndicales qui n’étaient pas signataires de ce protocole au point de vue des négociations, à savoir l’ONSLG, la COSATREG, la CGSL  etc.… un ensemble de dix centrales syndicales. Donc on ne nous a pas associés, sachant que les autres syndicats ne voudraient pas s’assoir avec nous. Et comme c’est la  volonté de ces syndicats qui prime  dans l’esprit des gouvernants, alors, ils ont essayé de nous éviter mais qu’à cela ne tienne, si la négociation avait pu aboutir, on aurait pu trouver pour les travailleurs quelque chose de solide, trouver pour la population un consensus du point de vue diminution. Donc si le gouvernement avait accepté de diminuer. A l’époque j’ai dénoncé, j’ai dit que le gouvernement est de mauvaise foi. Ça a été une mauvaise foi de la part du gouvernement guinéen pour refuser carrément la diminution du prix du carburant. Ils se sont permis de donner des arguments qui ne tenaient pas la route. Mais comme ceux qui étaient devant eux l’ont accepté, alors ceux qui n’étaient pas autour de la table, on avait aucune possibilité désormais de contre réagir, parce qu’on aurait interprété ça autrement. Vous n’êtes pas sans savoir qu’aujourd’hui, il parait qu’il y a des syndicats patriotes et des syndicats qui ne sont pas patriotes. C’est la théorie de la révolution quoi. Donc nous, nous savions et nous étions certain que tous les paramètres et tous les calculs que le carburant, on était capable de vendre le litre de carburant à cinq mille francs 5000fg. Aujourd’hui le soit disant protocole, nous avons compris que ce protocole avait pour objectif juste pour régler des comptes avec certaines centrales syndicales présentes dans certaines institutions. Voilà pourquoi tout ce tintamarre-là n’a conduit qu’à ça, et les travailleurs ont été très déçus. Je pense qu’aujourd’hui, si vous tenez des statistiques au niveau des travailleurs sur ce qui s’est passé ou sur la valeur de ces protocoles, vous serez étonnés de la déception…

Est-ce que vous espérez que le prix du carburant sera diminué sous  ce gouvernement ?

Moi la conclusion que je tire, même si le baril coûte 500fg à l’extérieur, ce gouvernement n’est pas capable de diminuer pour alléger la souffrance du peuple.

L’opposition républicaine projette de marcher le 04 août prochain. A votre avis, est-ce une bonne option pour se faire entendre par le pouvoir?      

Ce qui est regrettable chez nous, c’est qu’au moment où vous demandez, au moment où vous voulez aller autour de la table, on ne vous écoute pas. En Guinée c’est toujours le rapport de force qui est encré, c’est congénital maintenant. Tant que vous êtes en train de dénoncer quelque chose, on ne vous écoute pas. Il faudrait qu’il y ait des menaces, des morts d’hommes, des destructions pour que tout le monde se réveille, et que tout le monde pense que non,  ce n’est pas bon. Ou bien ce n’est pas bon. Ce qui est sûr l’opposition guinéenne, je parle en tant que citoyen, l’Etat a le droit à faire respecter l’ordre mais dans les limites de la constitution. La constitution prévoit des manifestions pour l’opposition. Le devoir de l’Etat c’est de sécuriser cette marche, du point de départ au point d’arrivée. Comme ça, ils vont lire ce qu’ils ont à lire ; dire ce qu’ils ont à dire ; la manifestation est terminée, chacun retourne chez soi.

Mais si l’Etat cherche à empêcher un devoir légal, c’est là que naissent les problèmes, les destructions, les bagarres et les blessures. Moi, je pense tous les deux : l’opposition doit faire de sorte que sa marche soit décrite sur un itinéraire bien précis et que l’Etat de par ses services et de ses gendarmeries encadre cette marche dans les temps et dans l’espace, et comme ça tout le monde, chacun a son compte et puis c’est fini. On ne peut pas dire à un parti politique légalement constitué que ce parti-là ne va pas faire des marches. Il y a eu des marches en Guinée où il y a eu des blessés et des morts. Mais il y a eu aussi des marches ou il n’y a pas eu des blessés. Je vous donne un exemple, si on dit tout de suite que le parti au pouvoir fait une marche du km 36 au port, personne ne sera blessé. Par contre, si un parti politique dit qu’il fait une marche sur le même itinéraire, et cours  de ce tronçon, il y aura des morts, ça veut dire que l’application de la loi fait défaut. Dans l’application d’une loi, quand ça arrange le pouvoir c’est bon, quand ça n’arrange pas il faut mater. Ça  ce n’est pas une bonne manière de gouverner. Je l’ai toujours dit, on n’a pas besoin d’être ministre ou directeur pour faire un travail de la république. Chacun là où il est, il peut travailler dans le sens du développement de la Guinée. Il suffit d’avoir la conscience de ce travail là, pour que chacun puisse faire exactement ce qu’il doit faire.

A propos de la marche en question…

Je parle du caractère légal de la marche et tous ceux qui disent que c’est bon ou ce n’est pas bon. C’est par rapport à une prise de position qu’ils le font. Il faut voir est-ce que c’est légal? Si c’est légal, quel est le dispositif qu’il faut prendre pour le déroulement de la chose ? Si ce n’est pas légal, alors c’est interdit. C’est en ce sens qu’il voir. Moi je n’engage pas les syndicats dans ce débat, bien qu’entre le syndicalisme et les politiques, il n’y a qu’un millimètre, parce que dès que ça ne va pas dans la politique, alors les syndicats s’invitent à la danse, parce que ce sont les travailleurs qui en pâtissent. Et chaque travailleur a une famille. Donc c’est la population qui en pâti.

Ce qui fait que chaque fois le syndicat est obligé de discuter de certaines questions politiques, ce n’est pas parce que les gens font du militantisme bien qu’il en existe, des syndicalistes plus militants que les politiciens eux-mêmes mais je dis que tout problème qui se posera en Guinée, voyons ce problème par rapport à notre législation. Est-ce que c’est normal ? Si ce n’est pas normal, dis à celui qui pose l’acte que ce n’est pas normal. Si c’est l’opposition dite à l’opposition que ce n’est pas normal, et idem que le gouvernement, qu’ils agissent comme ça et qu’ils reviennent à des meilleurs sentiments. Pourquoi cette animosité?

Quand j’ai lu sur internet où un monsieur  dit qu’un leader a armé 1500 jeunes de lance-pierres, mais c’est extrêmement grave, parce que si lui a réussi à compter, à décompter 1500 jeunes, avec des lance-pierres, c’est qu’il fait partie. Voilà les problèmes sinon moi je ne vois pas comment on peut réussir à faire un décompte de 1500 jeunes avec des lance-pierres, pour dire qu’un leader à armer 1500 jeunes. Donc mon cher journaliste, ce que j’ai à vous dire par rapport à cette marche là et il y en aura toujours, il ne faudrait pas qu’on se trompe, il y aura des marches même si tout est rose en Guinée, il y aura des marches.

L'indépendant

Entretien réalisé par Alpha Amadou Diallo

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